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préoccupant que de leur strict intérêt et du milieu spécial qu’elles desservent; elles ont créé sur beaucoup de points des précédens qui sont incompatibles avec les principes établis par les gouvernemens de l’Europe. Ainsi, par exemple, nos relations avec l’Amérique sont entravées par les règles que suit la compagnie transatlantique. Elle a non-seulement abaissé le minimum de la dépêche à dix mots, mais au-delà de ce minimum elle taxe isolément chaque mot supplémentaire. Voilà donc les bureaux obligés, pour un même télégramme, de décompter d’une façon la taxe européenne, et d’une autre manière la taxe du câble. D’autres divergences se produisent de même entre les règles admises sur les deux sections du parcours. Ainsi tend à se rétablir l’état de désordre qui régnait en Europe avant le traité de Paris. Si l’on n’y prend garde, la taxation des dépêches va de nouveau se hérisser de difficultés et le service se trouver quelquefois paralysé par des dispositions contradictoires. Quel remède apporter à cet état de choses? Sur quel pied traitera-t-on avec ces puissances nouvelles? car on ne peut faire autrement que de s’entendre avec des compagnies qui disposent de grands capitaux, qui viennent d’établir des communications de première importance, et qui ont appelé sur elles l’intérêt, — nous pouvons même dire l’admiration, — du public. Cette préoccupation se trouvait exprimée déjà dans les délibérations de la conférence de Vienne.

Quelles étaient d’ailleurs ces compagnies sous-marines? Voici d’abord celle à qui appartiennent les câbles joignant l’Angleterre au continent européen, à Dieppe, à Boulogne, à Calais, à Ostende. C’est l’héritière des anciennes entreprises fondées par les Brett et les Carmichael. Elle a subi bien des transformations depuis le jour où un homme audacieux jetait à travers la Manche un petit fil de cuivre recouvert de gutta-percha. Formée des débris d’une série d’entreprises plus ou moins heureusement conduites, elle constitue maintenant une puissante société (Submarine telegraph Company between Great-Britain and the continent of Europe) qui dispose de presque tout le transit anglais. Nous ne parlons pas de l’entreprise qui joint l’Angleterre à l’Irlande ni de la compagnie Reuter, qui joint l’Angleterre à Emden (Prusse).

Quant aux trois câbles qui unissent maintenant l’Europe à l’Amérique, ils appartiennent à deux sociétés presque fusionnées en une seule; mais on sait combien de capitaux ont été engloutis et combien de compagnies se sont accumulées les unes sur les autres avant d’obtenir ce résultat. On a fait souvent, et dans les pages mêmes de la Revue, le récit des tentatives répétées qui ont abouti enfin à une triple jonction transatlantique. La Compagnie du télé-