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s’est engagé seulement, disait-il, à imposer «autant que possible » les règles de la convention aux compagnies concessionnaires. Les états n’ont ainsi d’autre obligation que de faire « tous leurs efforts » pour obtenir ce résultat. L’Allemagne et la Russie n’ont « rien négligé » pour faire accepter à la compagnie la dépêche de vingt mots; on n’a cédé que devant sa volonté bien accusée de renoncer à la concession plutôt qu’au minimum qu’elle demandait. Il n’était pas difficile de montrer comment de pareils principes compromettaient l’œuvre des traités précédons. Un état qui voudrait s’affranchir d’une obligation gênante n’aurait plus qu’à susciter sur son territoire une compagnie privée, qu’il laisserait en dehors de la règle après avoir lutté « autant que possible » pour l’y ramener. Voudrait-on par exemple échapper à la loi en vertu de laquelle tous les particuliers sont traités rigoureusement sur le même pied, vite on fonderait une société à l’ombre de laquelle on commettrait les iniquités projetées. Si incontestables que fussent ces raisonnemens, les représentans de l’Allemagne et de la Russie restèrent sur le terrain du fait accompli, d’où on ne put les déloger. La conférence adopta, de guerre lasse, l’amendement proposé par la Belgique; elle décida que les offices extra-européens pourraient admettre sur leurs lignes la dépêche de dix mots avec taxe réduite, cette dépêche étant d’ailleurs taxée pour le parcours d’Europe comme si elle avait vingt mots.

La découverte de cette société germano-moscovite, qui prenait le nom d’Indo-European, appelait l’attention de la conférence sur des questions nouvelles et délicates. Suivant quelles règles devait se faire la concurrence entre états? Chacun gardait-il toute liberté pour ouvrir de nouvelles voies et en fixer la taxe de façon à détourner certains transits à son profit? Il semblait naturel de laisser toute latitude à cet égard. Les exemples ne manquaient point en faveur du principe de liberté. On citait notamment l’établissement prochain d’un câble direct entre l’Angleterre et la Norvège. Jusque-là les dépêches britanniques, pour gagner la grande péninsule scandinave, devaient passer par le Danemark et l’Allemagne du nord. La ligne anglo-norvégienne serait-elle tenue d’adopter les prix qui résultaient du tracé ancien? Si le câble nouveau adoptait un tarif inférieur, l’ancienne voie ne pourrait-elle pas abaisser le sien? Ici l’on convenait généralement que les créateurs de la nouvelle voie, seule voie vraiment naturelle, devaient rester maîtres d’agir à leur guise, et qu’il en était de même de ceux au détriment desquels une concurrence venait à se produire; mais d’autres cas étaient cités où le droit était moins clair. On tomba d’accord que les états ne pouvaient pas se faire entre eux de concurrence hostile, comme ces