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refréner les agitateurs convulsionnaires, de maintenir partout intacte et puissante l’autorité de la loi. Malheureusement, quand on commence à parler de république, on dirait que la loi n’est plus rien, qu’elle n’existe que pour être violée ou éludée. On la salue au besoin avec une apparence de respect, on l’invoque s’il le faut, et on n’en tient compte que dans la mesure où elle ne gêne pas. Il ne faut pas aller bien loin, les exemples se muliiplient sous toutes les formes.

Ces manifestations mêmes auxquelles viennent de se livrer les membres des conseils généraux sont une preuve de ce qu’on pourrait appeler l’instinct d’illégalité naturel à la plupart des Français. Ces manifestations n’ont rien que d’inoffensif, elles s’inspirent de l’esprit le plus sage, nous en convenons ; elles ne sont pas moins une des plus ingénieuses dérisions de la loi. La loi interdit aux conseils-généraux l’expression de vœux politiques : soit, on clôt la session, on tire le rideau, et aussitôt ces honnêtes représentans des départemens encore réunis, prenant toujours leur titre de conseillers-généraux, agissant collectivement, rédigent des adresses pour se prononcer sur la forme du gouvernement. Cela semble tout simple, ce n’est pas aussi simple qu’on le croit. Si la loi a eu tort d’interdire les vœux politiques aux conseils-généraux, il faut la changer. Si elle a été au contraire prévoyante et sage en interdisant ces vœux, il faut l’observer sans subtilité, et ne pas se figurer qu’on est en règle avec elle parce qu’une manifestation est l’œuvre des conseillers-généraux au lieu d’être l’œuvre du conseil général. Et, si d’honnêtes conservateurs se laissent aller eux-mêmes à ces faciles transgressions, que doivent faire ceux pour qui la loi est toujours une tyrannie, sous la république comme sous la monarchie ? Ils font ce qu’on les voit faire partout où ils ont la majorité, dans les conseils-généraux ou dans les conseils municipaux, à Marseille ou à Lyon ; ils provoquent de perpétuels conflits ; au lieu d’administrer simplement les intérêts qui leur sont confiés, ils font de la politique, ils sont de petits gouvernemens !

Les radicaux suivent leur penchant, ils s’agitent et ils agitent. La paix si chère au pays leur est cruelle. Ils sont à la recherche de toutes les occasions de discours bruyans et de manifestations nouvelles, lis s’efforcent aujourd’hui de poursuivre ce que nous appelions récemment la campagne des anniversaires. L’autre jour, c’était le 4 septembre qu’ils voulaient fêter ; maintenant c’est le 22 septembre, date de la fondation de la république de 1792, qu’ils veulent célébrer. C’est assurément aussi opportun que la première fête qu’on voulait se donner, et M. le ministre de l’intérieur a eu la sage, la patriotique pensée d’interdire ces manifestations proposées pour le 22, comme il l’avait fait pour le 4 septembre. Ah ! M. le ministre de l’intérieur interdit les manifestations qu’on se promettait d’offrir en spectacle à la France comme un cordial dans ses malheurs ; il faut se mettre en devoir de ruser avec ce terrible tyran