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tholicisme. La maison royale de Valois n’avait eu aucun intérêt à se séparer de l’église catholique. Elle n’avait pas les motifs des princes allemands pour embrasser la réforme : ses vues sur l’Italie la ramenaient au contraire au système de circonspection qui était le fond de la politique vénitienne. Cependant les Valois avaient dû chercher des auxiliaires chez les princes protestans, dans leur lutte de prépondérance contre Charles-Quint et Philippe II. De là une certaine et permanente hésitation, qui jeta par soubresauts le gouvernement français dans diverses fautes de conduite : son intérêt le portant à ménager à la fois les souverains protestans et la papauté.

Mais l’aristocratie française avait en général montré une propension marquée pour la réforme; elle y vit un moyen de reprendre l’indépendance qu’elle avait perdue dans sa lutte contre la couronne. Sous cette forme nouvelle, la féodalité apparut encore menaçante à la royauté, et commit des fautes qui furent fatales aux réformés. La royauté, d’abord indécise, se ravisa, croyant être menacée, et pencha vers la répression d’une émancipation religieuse qui tournait à l’émancipation politique. Des circonstances particulières vinrent alors en aide à la réforme, dont les forces avaient acquis un considérable développement. Elle avait recruté ses sectateurs dans la partie la plus active et la plus remuante de la nation. Plus de 4,000 gentilshommes, ou seigneurs fieffés, et parmi eux les plus grandes familles de l’état, les Rohan, les Châtillon, les La Trémouille, les La Tour-d’Auvergne, etc., professaient la croyance nouvelle. La noblesse militaire était donc en majorité protestante, et pouvait facilement mettre en campagne de 30,000 à 40,000 combattans au jour où la lutte serait engagée. C’était un parti puissant en face du clergé catholique, de l’administration royale, des parlemens et des grandes villes, en général demeurées catholiques. Les avantages des uns et des autres parurent se balancer le jour où la réforme fit la conquête de la branche cadette de la maison royale. Cette accession mit sérieusement en péril les intérêts du catholicisme en France, surtout lorsqu’il fat assuré que la maison de Valois touchait à sa prochaine extinction.

Depuis la révolte du connétable de Bourbon, un rameau vigoureux de la famille régnante semblait être séparé du tronc royal. La maison de Vendôme ou de Bourbon, si puissante dans le centre et dans le midi de la Fiance, n’avait pu dissiper les défiances de la maison de Valois, qui humilia[1] les héritiers du dernier fils de

  1. D’après le cérémonial français, le premier prince du sang marchait seul après le roi dans les solennités où le souverain figurait en personne; mais en 1548, lorsque Henri II fit son entrée solennelle à Chambéry, conquis sur le duc de Savoie, le roi voulut qu’il en fût autrement. Le premier prince du sang était alors Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, qui n’était pas encore roi de Navarre. Ce prince, en venant prendre son rang, fut surpris de voir Claude II de Guise se mettre sur la même ligne à sa gauche. Quoi donc, mon compagnon, lui dit-il, tiendrons-nous donc rang ensemble? — Oui, monsieur, répondit Claude de Guise, le roi m’a assigné cette place. — Mais, reprit le duc de Vendôme, c’est tout ce que je pourrais permettre à M. le duc de Lorraine, chef de votre maison. Sur quoi le duc de Vendôme se retira, et la marche fut suspendue ; mais le roi lui ayant ordonné de reprendre sa place, le duc revint et dit à Claude de Guise : Vous pouvez, mon compagnon, marcher sur la même ligne que moi, car si le roi ordonnait à un laquais de marcher à mes côtés, je le souffrirais par respect pour ses ordres. — Le fils d’Antoine de Bourbon faillit payer cher ce méchant propos le 24 août 1572.