Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sectes qui frappent particulièrement les yeux sont les lépidoptères ; aucun ami de la nature ne visite la Grande-Terre sans éprouver un plaisir ou une surprise à la vue de divers papillons voltigeant ou se posant sur les fleurs. Lorsqu’on examine de près ce monde particulier, on aperçoit bien vite dans l’ensemble un mélange analogue à celui que présentent les oiseaux ; à la foule des espèces indigènes, sont venues se joindre des espèces étrangères. Sans avoir la puissance de vol des oiseaux, les lépidoptères peuvent néanmoins, à la faveur d’un vent favorable, se soutenir longtemps en l’air et parfois être transportés à d’incroyables distances. Ainsi, par suite de voyages involontaires, beaucoup de ces légers insectes ont une dissémination géographique dont les coléoptères offrent peu d’exemples.

Dans la grande île, on remarque certains lépidoptères qu’on voit à Bourbon et à Maurice, et mieux encore sur le continent africain. Quelques-uns de ces beaux papillons, du type de l’espèce d’Europe qu’on appelle vulgairement le grand machaon, volent dans les clairières. Ils sont de plusieurs sortes ; celui-ci, d’un jaune-soufre avec une bande brune, celui-là, noir, tacheté de jaune, sont des habitans de l’Afrique méridionale : nul doute qu’ils n’aient été jetés sur la Grande-Terre par le vent d’ouest. D’autres paraissent être vraiment du pays et n’avoir pas été portés au-delà des îles Mascareignes ; — les mâles se distinguent par des ailes noires tachetées de bleu, les femelles par des ailes brunes[1]. Dans les prairies voltigent de petits papillons d’un jaune d’or, des xanthidies, et des papillons blancs, des piérides, les uns propres à la grande île africaine, les autres venus d’une terre étrangère. Aux mêmes lieux se montre une vanesse qui rappelle le vulcain d’Europe[2] ; une espèce brune du même genre est commune dans les bois des environs de Tamatave et de Foulepointe, une autre, toute bleue, n’a été rencontrée qu’aux environs de Tananarive[3]. Des lépidoptères de Madagascar qui se rapprochent des vanesses en distinguent par les ailes antérieures, prolongées au sommet en manière de faux : ce sont les salamis ; on en citait depuis longtemps des espèces de couleurs sombres, M. Vinson en a découvert une nouvelle, qui a de charmantes ailes d’un blanc bleuâtre comme la nacre[4]. On voit beaucoup de danaïdes, de satyres, d’hespéries, dont l’aspect n’a rien de frappant ; mais il n’en est pas de même pour les nombreuses

  1. On trouve les lépidoptères de Madagascar décrits et représentés dans un ouvrage spécial, Boisduval, Faune entomologique de Madagascar, Bourbon et Maurice, Paris 1833. Depuis cette publication, M. Vinson et quelques autres ont fait connaître les espèces nouvellement découvertes.
  2. Vanessa epiclesia,
  3. Vanessa Radama.
  4. Salamis Duprœi.