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avaient signé de prime abord les actes dont nous avons fait mention, d’autres nations européennes étaient venues se joindre peu à peu à tel ou tel groupe de signataires. A cet effet, elles avaient adhéré à l’un des traités existans, puis, cette formalité remplie, elles avaient négligé de se tenir au courant des modifications apportées aux conventions originales. Il y avait ainsi un certain nombre d’offices qui restaient attachés à des actes annulés déjà entre leurs auteurs propres; nous ne parlons pas de certains autres qui ne savaient plus, à vrai dire, sous quel régime de contrats ils vivaient. Le Portugal avait adhéré au traité de Berne. Le Danemark, la Suède et la Norvège, la Russie, se soumirent dans les premiers mois de 1860 au traité de Bruxelles. D’autres puissances, la Turquie, la Grèce, la Servie, en étaient restées au traité de Berlin, qui, — tout en étant devenu caduc pour ses véritables signataires, — se trouvait ainsi maintenu accidentellement par des adhérens de seconde main. Dans cet état de choses, une dépêche pouvait se trouver soumise à des règles différentes pour les différentes parties de son parcours; il était même telle portion de territoire où l’on ne pouvait plus savoir quel principe il y avait lieu d’appliquer. Joignez à cela que les points-frontières s’étaient multipliés considérablement. Comme on continuait à régler partout les taxes suivant le système des zones, il fallait, pour établir le tarif des dépêches, classer par rapport à ces différens points-frontières les bureaux de chaque état. Les géographes traçaient donc avec leurs compas des séries de cercles autour de chaque point pour fixer les zones sur des cartes, la plupart du temps inexactes, et au milieu de tous ces cercles entrecroisés arrivaient difficilement à donner sans erreur la position de chaque bureau.

Ce dernier inconvénient pouvait être évité en établissant une taxe moyenne d’état à état. Le système des taxes uniformes commençait alors à s’établir dans quelques pays pour le service intérieur; la France notamment l’inaugurait chez elle par la loi du 3 juillet 1861. Taxer la dépêche suivant la distance parcourue est sans doute conforme à la justice; mais la taxe uniforme abolit bien des embarras en supprimant tous les calculs de distance, et, comme chaque expéditeur a d’ordinaire occasion d’envoyer des dépêches à des destinations tantôt proches, tantôt lointaines, l’équilibre se trouve rétabli pour chacun par une taxe unique et moyenne. Dès qu’elle eut constaté chez elle les bons effets de la taxe uniforme, la France s’efforça d’en introduire le principe dans le service européen.

Elle commença par agir dans ce sens sur ses limitrophes, les traités généraux lui laissant toute liberté pour cette action restreinte. Dès le début en effet, les divers états qui éprouvaient le