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vier 1534, Barthélémy Boekebinder et Willem de Cuiper arrivèrent dans la ville pour prêcher le second baptême et annoncer l’avènement des temps promis. Le terrain était tout préparé pour leur œuvre. Le récit qu’ils faisaient de la miraculeuse apparition du prophète trouva créance chez une population nourrie depuis plusieurs mois de semblables rêveries. Deux jours après leur arrivée, tous les pasteurs wassenbergeois rentrés à Münster, Roll, Klopriss, Vinne, Stralen, auxquels se joignit Rothmann, se rangeaient parmi les catéchumènes et recevaient des deux étrangers le sacrement rénovateur. Rothmann alla jusqu’à prêter sa maison aux envoyés de Mathys. C’est là qu’ils administrèrent le baptême et tinrent registre de ceux qui adhéraient à leur église. L’ardeur avec laquelle le peuple de Münster se porta pour recevoir des mains des deux Hollandais l’eau qui devait opérer leur salut dépassa encore celle dont quelques villes des Pays-Bas avaient donné le spectacle. En une semaine, quatorze cents personnes étaient déjà rebaptisées. Boekebinder et W. de Cuiper n’étaient pourtant que les serviteurs du grand prophète de Harlem, non ses plénipotentiaires. Ils ne représentaient point sa pensée complète et n’étaient pas les dépositaires de toute sa confiance; ils furent promptement suivis de deux autres missionnaires bien plus avant dans ses projets. C’étaient Jean de Leyde, que j’ai nommé plus haut, et son compagnon Gert tom Kloster, de Nienhuis. Les premiers envoyés n’ajoutaient que peu aux enseignemens de Hofmann et se tenaient encore aux idées des melchiorites; les seconds furent les réels interprètes de la doctrine de Mathys.

Gert tom Kloster ne tarda pas à être mis dans l’ombre par son compagnon, dans lequel se personnifia l’esprit de démence et de mensonge dont Münster allait être le jouet. Jean de Leyde ou, pour le désigner par son véritable nom, Jean Bockelsohn fut reçu comme un ange et acclamé comme un sauveur. C’était un ouvrier tailleur dont le père exerçait à La Haye le métier de cordonnier; sa mère était d’origine westphalienne. Après avoir travaillé quelque temps à Lisbonne, et à Lübeck, il était revenu s’établir à Leyde, puis avait renoncé à sa profession pour tenir avec sa femme une petite taverne à l’une des portes de la ville. D’un esprit inquiet et d’une ambition désordonnée, rêvant un avenir bien au-dessus de sa condition, il s’était attaché à cultiver son intelligence et avait acquis une certaine instruction. Tout en vendant sa bière et son vin, il composait des vers et arrangeait des discours. Il devint l’un des membres les plus actifs d’une de ces sociétés littéraires appelées chambres de rhétorique, qui ont marqué dans les Pays-Bas l’époque de la renaissance. Quand le mouvement de la réforme commença d’agiter les esprits, la controverse religieuse prit souvent dans ces