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bord adopté les principes. Bref, les melchiorites prenaient graduellement la place des vieux anabaptistes.

Une propagande si active ne pouvait qu’amener un redoublement de sévérité dans la persécution. La cour de Hollande enjoignit au bailli (schout) d’Amsterdam de sévir sans délai contre les fauteurs obstinés de la nouvelle hérésie, notamment contre le plus dangereux, Volkerts. Celui-ci se déroba d’abord au mandat d’arrêt lancé contre lui ; mais, l’ardeur du martyre s’étant emparée de son âme, il alla résolument se présenter au bailli et lui confessa sans détour sa foi. Traduit devant le procureur-général d’Amsterdam, il fut peu après décapité sur l’ordre exprès de l’empereur avec neuf de ses coreligionnaires, La femme du bailli, qui inclinait elle-même à la doctrine de Hofmann, parvint à faire échapper plusieurs des sectaires qui allaient être emprisonnés. Les têtes des victimes furent exposées au bout de perches sur une des places les plus apparentes d’Amsterdam. Ces exécutions barbares indignèrent la population au lieu de l’effrayer, et le bailli tout le premier ne dissimula pas l’horreur qu’elles lui inspiraient. Au mépris de l’autorité impériale, bourgeois et magistrats s’empressèrent de fournir un refuge aux persécutés, de leur ménager les moyens de continuer à se réunir. Ceux qui avaient fui rentrèrent bientôt, et, sans être retenus par le supplice qui fut encore infligé à l’un des leurs, les anabaptistes renouèrent leur propagande et reprirent leurs assemblées. Hofmann, de retour à Strasbourg, les encouragea par ses lettres en leur recommandant toutefois la circonspection et la patience.

Deux années s’écoulèrent, pendant lesquelles les melchiorites réussirent à tromper, par le mystère dont ils s’entouraient, les perquisitions de la police impériale et à recruter des adhérens à petit bruit ; de nouvelles prophéties de leur grand apôtre les arrachèrent tout à coup aux appréhensions et à la prudence. Hofmann annonçait la fin de la période de préparation et d’épreuve. Il affirmait qu’une seconde Pentecôte était proche et que l’Esprit-Saint se répandrait sur les envoyés du Seigneur, les marquerait du sceau de la mission à laquelle ils étaient appelés. La parole devait en conséquence être prêchée par toute la terre. La nouvelle Jérusalem allait être bâtie, et de ce centre partiraient, suivant toutes les directions, les messagers du Sauveur, dont le règne ici-bas commencerait dans peu. Toutefois avant que ces choses merveilleuses ne s’accomplissent, un grand concile devait être tenu où Hofmann enseignerait la vraie doctrine de Jésus-Christ. Il fallait que les sept anges de l’Apocalypse eussent fait leur œuvre de colère, que Babylone eût été préalablement anéantie, autrement dit que toute la prêtraille fût exterminée. Hofmann ajoutait qu’après avoir souffert toutes les in-