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avait donné de l’humeur à Versailles, mais sous le commandement supérieur du grand-duc de Mecklembourg-Schwerin, qui était chargé de manœuvrer entre la ligne de Chartres et la ligne d’Étampes. D’un autre côté, le prince Frédéric-Charles accourait de Metz à marches forcées, et les têtes de colonne de son armée paraissaient dès le 14 à Fontainebleau. On allait tomber dans cette fourmilière allemande avec bien peu de chances de battre en détail toutes ces forces qui s’amassaient devant nous, — et voilà comment « il paraît établi » que, si on eût marché sur Paris après Coulmiers, « on aurait réussi ! » Voilà comment la prudence du commandant en chef n’était que trop justifiée !

A se jeter en avant sans prévoyance et prématurément, on risquait de se perdre ; on ne pouvait que gagner au contraire à se donner le temps de compléter l’organisation et l’instruction de l’armée, de coordonner les forces qu’on rassemblait et qui arrivaient chaque jour, de se mettre en défense autour d’Orléans dans les positions qu’on venait de reconquérir. Quant à l’idée que M. de Freycinet prête au commandant en chef d’avoir voulu en ce moment quitter Orléans, à peine repris, pour retourner en Sologne au camp de Salbris, c’est une plaisanterie que le délégué du ministre de la guerre a trouvée évidemment dans son imagination. Le général d’Aurelle ne voulait ni courir les aventures ni revenir en arrière ; il voulait tout simplement se mettre en mesure de tenir tête à l’orage sans aller se briser contre l’impossible, et ici cette campagne de la Loire, si bien inaugurée par un succès, entre dans une période nouvelle, où tout prend une importance croissante.


III

A vrai dire, aux yeux de bien des militaires, c’était et c’est encore une grave question de savoir si l’armée française devait commencer ses opérations par l’Orléanais et par Orléans. Ces plaines nues et ouvertes de la Beauce étaient un assez dangereux champ de bataille pour de jeunes troupes ; elles offraient aux Allemands tous les moyens de déployer la supériorité de leur artillerie et de leur cavalerie, en nous rendant plus sensible l’infériorité de nos moyens d’action. Pour les Allemands, la possession momentanée d’Orléans n’avait eu que des avantages sans aucun inconvénient. En tenant par là le nœud principal des communications françaises avec le sud, ils avaient la protection d’un fleuve, et même en cas de défaite ils avaient leur retraite assurée vers les lignes d’investissement de Paris ; c’est ce que venait de montrer le mouvement rétrograde de von der Tann, qui n’avait pas eu besoin d’aller bien loin pour être en sûreté. Pour les Français, Orléans était sans doute un