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sine comme un ruban de couleur d’ocre qui traverse la vallée, serpente sur les flancs des collines, disparaît derrière une crête pour se montrer encore une fois dans le lointain semblable à un fil d’or bientôt perdu dans les montagnes bleues. On se souvient de la physionomie de l’Ankova[1] ; à l’exception de certaines vallées et de quelques coteaux boisés, l’aridité du sol cause une impression de tristesse. Il est intéressant de voir avec M. Bojer, le seul botaniste qui ait exploré les environs de Tananarive et les montagnes de la province d’Imerina, le caractère de la végétation de cette contrée.

Plusieurs espèces particulières de ce genre dombeya que nous avons appris à connaître sur les côtes contribuent à former la modeste parure des alentours de la capitale des Ovas ; au milieu des champs rocailleux et stériles, elles forment quelques buissons. Dans les mêmes localités croissent des arbrisseaux d’assez chétive apparence, dont les espèces appartiennent à des genres et même à des familles qui caractérisent les régions intertropicales de l’Asie et de l’Afrique[2] ; on voit un arbuste, de la famille qui a pour type le câprier du midi de la France, remarquable par ses feuilles glabres suspendues à de longs pétioles et par ses fleurs d’un blanc d’albâtre, disposées en corymbes[3]. Dans les vallons humifies végètent des plantes herbacées d’un groupe depuis longtemps signalé en Asie et en Amérique[4].

Certaines montagnes de la province d’Imerina un peu éloignées de la capitale ont encore des forêts qu’on peut admirer ; sur l’Angavo, on voit des arbres d’un port magnifique qui s’élèvent à la hauteur de 30 mètres, une essence du type du câprier, le cratéva gigantesque[5]. La force, la grâce, la beauté sont unies pour faire du cratéva de Madagascar une des merveilles du règne végétal : près de la base, le tronc a souvent plus de 1 mètre 1/2 d’épaisseur ; vers la cime, les branches, étendues sur une ligne horizontale, paraissent protéger les humbles arbrisseaux ; les feuilles d’un vert clair, veinées de rouge en dessous, — les plus nouvelles, entièrement teintées de pourpre, s’agitent sous le moindre souffle au bout de grêles pétioles longs de plus de 1 décimètre. Il est un moment de l’année où la parure est dans tout son éclat ; au milieu du charmant feuillage, si richement coloré, se détachent des corymbes de fleurs ou

  1. Voyez la Revue du 1er août, p. 627.
  2. Quisqualis madagascariensis, Bojer (Hortus mauritianus), de la famille des combrétacées ; Cissempelos naphrophylla, de la famille des ménispermacées.
  3. Thylachium Sumangui, Bojer, de la famille des capparidées.
  4. Polanisia brachiata et P. micrantha, décrits par Bojer.
  5. Cratœva excelsa, de la famille des capparidées.