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des tropiques ; mais qu’il se trouve à La baie d’Antongil, à la baie de Diego-Suarez, en face des grèves de Tamatave ou de Foulepointe, devant les montagnes du pays des Antanosses, le sentiment ne sera pas le même. Aujourd’hui c’est à Tamatave que les voyageurs en général reçoivent la première impression, et l’endroit est un des moins favorables pour exciter l’enthousiasme. Les habitations, qui vers le sud paraissent descendre jusque dans la mer, sont des cases de pauvre apparence ; les dunes de sable qui se dressent près du rivage forment une ceinture d’un aspect médiocrement agréable ; plus loin, il est vrai, la scène ne manque pas de séduction. Le sol est brillant de verdure ; surtout au nord de la baie, des buissons et des joncs sont heureusement groupés au milieu d’une herbe touffue, des cocotiers de haute taille dominent des vaquois d’espèces diverses, les montagnes, noyées dans une vapeur bleuâtre, complètent le tableau. Ce n’est pas encore tout à fait la richesse et l’éclat de la végétation de quelques-unes des baies de la Mer du Sud, disent les navigateurs ; néanmoins c’est un paysage d’un caractère imposant. Une fois à terre, l’explorateur à chaque pas est arrêté par la beauté de certains arbres ou l’étrangeté de quelques plantes. Sur le littoral, souvent à la végétation indigène se mêlent des espèces étrangères qui ont été importées à diverses époques. Des citronniers propres au pays[1] donnent de charmans ombrages, et des acacias, des jujubiers, des orangers venus d’une terre étrangère, croissent avec une vigueur remarquable ; l’acacia de l’Inde étale une profusion de fleurs d’un ton jaune plein de gaîté ; puis ce sont de jolis arbrisseaux des tropiques dont chaque tige se termine par un bouquet de fleurs du plus beau rose[2], puis des ricins aux larges feuilles, les unes vertes, les autres empourprées. Les indigotiers se pressent sur de grandes surfaces, l’un d’eux se distinguant entre tous les autres par des feuilles petites et sombres avec des points d’un violet rougeâtre. En plusieurs endroits, on rencontre des arbres de la famille des euphorbes[3] qu’on croirait saupoudrés de farine : c’est un fin duvet qui couvre presque toutes les parties du végétal.

Sur le littoral de la grande île, les vaquois ou les pandanus des botanistes attirent particulièrement l’attention : arbres d’un port singulier, abondamment répandus dans les parties basses et marécageuses de Madagascar, ils se font remarquer par de volumineuses racines qui s’échappent du tronc jusqu’à une hauteur assez grande ; on croirait voir des cordes attachant au sol la tige, pourtant ro-

  1. Limonia madagascariensis, décrit par Lamarck, Citrus media, etc.
  2. Lochnera rosea, de la famille des apocynées, dont la pervenche et le laurier-rose sont les représentans les plus connus.
  3. Aleurites cordata de la Chine et de l’Inde transporté à Bourbon et à Madagascar.