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Les raisins débordant
La cuve aux lèvres violettes,
Dans ton allier croulant
Tu redis en chantant :
Adieu paniers, vendange est faite.


Eh bien! que vous en semble? N’est-il pas vrai que ce présent n’est pas en grand désaccord avec le passé que nous avons raconté, et que les bourgeois qui firent célébrer les travaux de leurs professions sur les vitraux de la cathédrale reconnaîtraient assez aisément leur esprit dans cette chanson composée par deux de leurs fils?


II. — LES CHATEAUX. — TANLAY. — ANCY-LE-FRANC.

Par un hasard heureux qui facilite singulièrement la tâche du touriste, les trois plus beaux châteaux de Bourgogne, Tanlay, Ancy, Bussy, se succèdent sur la ligne de Lyon à une heure à peine d’intervalle. Tous trois méritent à des titres divers une attention sérieuse, Tanlay et Ancy pour leur architecture, Bussy pour les mémoires et documens en images dont le célèbre auteur de l’Histoire amoureuse des Gaules, par une nouvelle incartade de cette intempérante médisance que l’exil put châtier, mais non réprimer, a couvert ses murs.

Les deux histoires des châteaux de Tanlay et d’Ancy présentent une assez curieuse analogie. Tous deux ont été originairement possédés par deux des plus grandes familles de France, et tous deux ont passé ensuite à deux familles d’élévation plus récente et d’éclat plus nouveau. Tanlay était un des châteaux des Coligny, et pendant les guerres de religion l’illustre Gaspard y fit plus d’une fois résidence, soit pour se reposer des fatigues du commandement, soit pour concerter avec les chefs du protestantisme français les plans politiques et militaires utiles à sa cause. A l’époque même où la famille de Châtillon jetait ses dernières lueurs de renommée, c’est-à-dire à l’aurore du règne de Louis XIV, Tanlay fut acheté par le surintendant des finances Émeri, ce compatriote et cette créature de Mazarin, dont les édits furent au nombre des circonstances de nature si variée qui allumèrent le feu de la fronde, et par Émeri il passa aux Phélippeaux, qui l’ont conservé cent cinquante ans. Émeri fit reconstruire en partie ce château, dont il sut respecter l’architecture bourguignonne, lourde, mais forte, massive, mais de grand air. Avec ce sentiment exquis des choses de l’art qui semble avoir été inséparable de tous ces Italiens d’autrefois, il le fit précéder d’un édifice servant de porche, qui est un des plus jolis spécimens existans de l’architecture Louis XIII, et qui, en outre de sa