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que le plus sûr moyen d’assurer l’obéissance de sujets chatouilleux sur leurs droits, c’était de ne pas violenter leur conscience, et pour que le chapitre de Münster n’eût point à souffrir du mauvais vouloir des habitans, le plus prudent était de laisser à ceux-ci un prédicateur qu’ils aimaient.

Pendant ces négociations, Rothmann ne demeurait pas inactif; il appelait de Marbourg et d’ailleurs de nouveaux apôtres du protestantisme. Münster se trouva ainsi pourvu d’un clergé évangélique qui ne tarda pas à laisser percer ses intentions d’expulser le clergé catholique. Soutenu qu’il était par le peuple, il y réussit. Les prédicans, escortés d’une foule qui les encourageait, se portèrent dans toutes les paroisses et sommèrent les curés et les desservans de leur céder la place; mais ils trouvèrent de la part de ceux-ci une résistance énergique. Les anciens et les maîtres, députés par le corps des gildes, se rendirent alors à l’hôtel de ville, réclamant qu’il leur fût délivré contre les récalcitrans un mandat de dépossession en forme. Le sénat reçut assez mal la requête; il représenta à la députation qu’on avait pris l’engagement de laisser, avant de rien innover, le temps au clergé de se préparer à la conférence. Une discussion assez aigre s’engagea : la multitude qui entourait l’hôtel de ville faisait entendre des clameurs et menaçait les sénateurs; ils cédèrent encore une fois. Chaque paroisse fut confiée en conséquence à un pasteur évangélique, et la nouvelle liturgie remplaça la messe. En six mois, les choses avaient tellement marché que ces mêmes luthériens qui ne sollicitaient d’abord que la faculté d’écouter la parole de Rothmann s’emparaient maintenant de tous les sanctuaires, et, aussi intolérans que ceux qu’ils dépouillaient de leur sacré ministère, ils affichaient le projet d’extirper jusqu’aux derniers restes du papisme. Du clergé catholique, il ne subsista plus après cette agression que le chapitre et les couvens, dont l’existence était rendue bien précaire. Le sénat avait en fait abdiqué aux mains du parti luthérien triomphant. La commune et les gildes imposaient leur volonté. Les deux bourgmestres, jugeant, la position intolérable, abandonnèrent la ville. Un grand nombre de familles bourgeoises suivirent leur exemple. Chez tous ceux qui gardaient quelques sentimens catholiques, l’appréhension était extrême. Les moines, qui s’attendaient à être victimes de mesures arbitraires, cachaient leurs archives et leurs objets les plus précieux. Le clergé de la cathédrale n’avait plus d’espoir que dans les troupes de l’évêque, dont le chapitre métropolitain pressait l’envoi. Les luthériens s’attendaient en effet à être attaqués par les forces épiscopales; ils activaient les moyens de défense. Le comité des trente-six, transformé en une véritable municipalité révo-