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glise d’un des faubourgs de la ville, Saint-Maurice; il s’appelait Berndt Rothmann. Originaire d’un village du bailliage westphalien d’Ahues et d’une naissance obscure, il avait dû à la protection d’une famille puissante et à son mérite la prébende dont il était alors en possession. Après avoir été élevé comme enfant de chœur à Münster, il s’était rendu à l’université de Mayence pour y prendre le grade de maître ès-arts, et en était revenu imbu des idées de la réforme, déjà propagée à Münster avant la révolte des paysans. Rothmann n’avait pas tardé, dans ses sermons à Saint-Maurice, à laisser percer ses nouvelles tendances, ce qui lui valut les avertissemens de ses supérieurs. Loin de se rétracter, il ne fit que parler avec plus de hardiesse. Son éloquence brillante et incisive remuait profondément un auditoire déjà indisposé contre l’église romaine. On accourait des divers quartiers de la ville pour l’entendre. Il gagna surtout la faveur des gens de condition inférieure, chez lesquels l’hostilité était plus marquée contre l’autorité cléricale. Il traitait de superstition et d’idolâtrie la messe et le culte établi, et fit si bien partager ses sentimens à son auditoire qu’un jour, à l’issue d’un de ses sermons, les assistans brisèrent les images saintes et se portèrent sur la personne des prêtres à des actes de violence. Le promoteur d’un pareil scandale dut quitter la ville, mais il le fit avec l’intention arrêtée d’y revenir. Investi de la confiance des luthériens, aidé de leur argent, il alla visiter les principaux foyers des doctrines nouvelles, et, ayant conçu le projet de devenir le réformateur de Münster, il étudia l’organisation religieuse que s’étaient donnée les diverses cités protestantes qu’il parcourut.

Il était précisément de retour et reprenait le cours de ses prédications quand le comte de Wied songeait à résigner un siège épiscopal peu fait pour lui. Le prélat s’occupait conséquemment moins que jamais des intérêts spirituels de son diocèse. Aussi, lorsque le chapitre lui dénonça la hardiesse du jeune chapelain, le mépris qu’il affectait des réprimandes, le refus qu’il faisait de s’acquitter des devoirs imposés par l’église, ils ne purent obtenir de réponse. Les paroles de Rothmann n’en devinrent que plus agressives et plus insultantes, ses sermons que plus suivis. Les conversions au luthéranisme se multipliaient. On renouvela au prélat les plaintes, et l’on finit, non sans peine, par arracher l’interdiction pour Rothmann de continuer à prêcher. Le chapelain se soumit en apparence et garda le silence quelques semaines. Il fallait le temps de se prémunir contre les dangers au-devant desquels il courait et de s’assurer l’appui des princes protestans, des docteurs les plus écoutés de la réforme. Il repoussa comme injustes les accusations dont il était l’objet, tout en entamant une correspondance avec Mélanchthon