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tite communauté allemande de Stockholm. Il renouvela dans ses sermons les propositions téméraires et les spéculations hétérodoxes qui avaient déjà soulevé contre lui tant de réformés. Ses ouailles en furent blessées, et le gouvernement en prit ombrage. Bientôt il recevait l’ordre de quitter la Suède. Il se rendit à Lubeck, où sa mauvaise réputation l’avait précédé : un mandat de prise de corps fut lancé contre lui ; on le menaça de la peine capitale. Il passa dans le Holstein, et y fut plus heureux. Son éloquence, l’originalité de ses interprétations bibliques, l’ardeur de son enseignement moral, lui gagnèrent la bienveillance du roi de Danemark, Frédéric Ier. Liberté lui fut laissée de prêcher dans tout le pays, et pendant deux années il y poursuivit le cours de son apostolat ; mais plus il méditait l’Écriture, plus il se plongeait dans ses aventureuses interprétations, plus il s’éloignait des principes de Luther, scandalisant ceux qui s’étaient habitués à regarder le grand docteur de Wittenberg comme le souverain arbitre de la vérité théologique. Il engagea une violente dispute avec les autres prédicateurs réformés sur la question de la cène, où il soutint les opinions de Zwingli, qui comptait déjà dans le Holstein de nombreux partisans. Carlstadt, après avoir échappé au châtiment qui le menaçait pour la part qu’il avait prise à l’insurrection des paysans, s’était réfugié dans ce duché ; on le vit prêter à Hofmann l’appui de son savoir et de sa parole. On décida qu’une conférence spéciale serait tenue pour débattre le point de foi litigieux. Bugenhagen la vint présider en personne. L’avantage n’y fut pas pour les sacramentaires. Protégés par l’héritier de la couronne de Danemark et le duc Christian, gouverneur du Slesvig-Holstein, les luthériens firent prononcer l’expulsion des prédicateurs zwingliens. Carlstadt dut quitter le pays, et Hofmann ne tarda pas à être obligé d’en faire autant. Proscrit, ayant perdu son modique avoir et réduit presque à l’indigence, il se rendit à grand’peine avec sa femme et son enfant dans l’Ostfrise, où il résida peu de temps, l’autorité lui ayant donné l’ordre de sortir du pays. Il gagna dès lors Strasbourg, où il savait que les zwingliens se trouvaient en force. C’était en 1529. Bucer l’accueillit avec bienveillance, espérant se faire de lui un puissant auxiliaire dans la lutte qu’il soutenait contre les luthériens ; mais Hofmann ne devait pas s’arrêter longtemps aux idées du réformateur suisse ; son imagination l’entraîna bien au-delà, et il fut promptement poussé sur la pente de l’anabaptisme. Il tomba dans ces mêmes aberrations prophétiques dont tant de protestans étaient alors le jouet. Il se persuada que le dernier jour était proche. Il se déclara pour la rebaptisation et le retour à la simplicité de la société chrétienne primitive, sans cependant ap-