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animés d’une haine implacable contre Zwingli, ils s’élevèrent avec violence contre les doctrines de ce réformateur tout autant que contre celles du grand docteur de Wittenberg. Ils se mirent ainsi à dos les deux partis qui divisaient alors la grande majorité des protestans. Les magistrats et les pasteurs s’indignèrent de l’audace de ces prédicans étrangers, et, déjà prévenus contre une secte qui était partout l’objet des rigueurs de l’autorité, ils firent rendre contre les téméraires théologiens une ordonnance de bannissement. Quelques-uns des principaux anabaptistes furent expulsés au commencement de l’année 1527 ; on s’en tint là. Les frères se rassurèrent bientôt et reprirent leur propagande. La peine édictée effrayait si peu, on fermait si bien les yeux sur les agissemens de la secte, que des prosélytes qui s’étaient enfuis des diverses provinces de l’Allemagne pour échapper à la proscription vinrent grossir la petite communauté strasbourgeoise ; quelques-uns des bannis se hasardèrent même à rentrer. Bucer se plaignit de la mollesse apportée dans la répression. De nouvelles mesures coercitives furent édictées ; mais les anabaptistes étaient sur leurs gardes. Comme ils en agissaient partout où il leur fallait tromper les investigations des magistrats, ils évitaient les regards, se réunissaient secrètement, soit dans quelque maison isolée, soit dans les villages des environs. Le sénat en fut averti, et il résolut d’employer les moyens plus énergiques qui avaient réussi ailleurs. Les pasteurs anabaptistes sur lesquels on put mettre la main furent jetés en prison. Reublin, après une détention de plusieurs semaines, fut banni avec menace, s’il rentrait, d’être puni de mort ; mais les habitans, qui avaient pris dans les disputes religieuses des sentimens de tolérance, désapprouvèrent ces rigueurs, et, redoutant quelque émotion populaire, le sénat se désista graduellement de sa nouvelle ligne de conduite. On laissa les sectaires continuer des assemblées et des prédications qui n’avaient lieu que dans l’ombre ; on se bornait à expulser de temps à autre ceux de leurs prédicateurs qui avaient trop élevé la voix. De leur côté, les anabaptistes évitèrent d’aborder les questions dogmatiques les plus irritantes ; ils s’occupèrent surtout de moraliser les pauvres, d’exhorter les malheureux, et firent ainsi parmi eux de nombreuses conversions. L’adhésion que donna à quelques-uns de leurs principes un des théologiens les plus en renom de la ville, Capito, accrut notablement leur influence. Ce chef de la plus radicale des écoles protestantes de Strasbourg partageait les idées des frères sur le sens et l’usage du sacrement de la cène ; il condamnait le baptême des enfans, et croyait, comme beaucoup de docteurs protestans de son époque, au prochain avènement du règne millénaire du Christ sur la terre. Toutefois Ca-