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à choisir qu’entre l’abjuration ou la fuite. Le troupeau dispersé, les pasteurs abandonnèrent le théâtre de leurs prédications et se répandirent de différens côtés. Ils se mirent à la recherche de lieux où ils pourraient reformer des communautés de leur foi et reprendre l’œuvre si violemment interrompue. Ils s’encourageaient par l’exemple que leur avaient légué les apôtres du Christ, comme eux condamnés à fuir et à vivre misérablement ; ils se persuadaient que Dieu avait permis la persécution pour que la parole pût être prêchée dans tout l’univers, car l’exil des frères aurait pour effet de la propager. Reublin, dont l’existence avait été fort errante depuis plusieurs années, de Waldshut gagna Strasbourg, qu’il quitta pour visiter la Souabe et revenir y fixer sa résidence. Hàtzer se rendit dans la même ville, après avoir habité quelque temps Augsbourg, où Hubmaïer était venu le rejoindre ; mais ce dernier, ne trouvant pas là l’accueil qu’il avait espéré, poussa jusqu’en Moravie, en quête d’un endroit où il pût continuer ses prédications et mettre sous presse les écrits qu’il préparait en réponse àZwingli. Ayant rencontré dans la petite ville de Nikolsburg deux ministres évangéliques en complète communion d’idées avec lui et que le seigneur du lieu, Lienhart de Lichtenstein, avait pris sous sa protection, il s’y établit. Au milieu du désert qui s’était fait en Allemagne pour la foi anabaptiste, c’était là une véritable oasis ; aussi Hubmaïer appelait-il Nikolsburg son Emmaüs de Moravie. Il y fit, à partir de 1526, assez de prosélytes pour que Nikolsburg soit alors devenu une des principales communautés anabaptistes. D’autres furent fondées par Hubmaïer à Znaïm, à Brünn et en diverses localités de la Bohème.

Les sectaires rencontrèrent en Allemagne quelques-uns des adhérens de Münzer, comme eux errans et proscrits, et se les attachèrent. Ils entretinrent dans l’ombre une propagande dont le cercle allait tous les jours s’élargissant. Elle s’exerça surtout dans les provinces de l’empire où le luthéranisme n’avait pas prévalu et qui étaient demeurées catholiques ; il subsistait là un levain de haine contre l’église, qui maintenait tous ses privilèges temporels et son autorité séculière ; les aspirations de réforme politique et religieuse y avaient été comprimées, mais non anéanties. Comme toujours, les anabaptistes recrutaient leurs prosélytes dans les classes inférieures et ignorantes, attirées par la simplicité de la doctrine de Grebel, les promesses d’une prochaine félicité, surtout par l’esprit égalitaire sur lequel reposait sa reconstitution de l’église. En moins de trois années, une grande partie de l’Allemagne se trouva enveloppée d’un vaste réseau de communautés anabaptistes, répandues de la Hesse jusqu’au Tyrol, de l’Alsace jusqu’en Silésie. Augsbourg,