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I

La petite communauté fondée par Grebel, qui se réunissait chez Mantz, inquiétée par les magistrats de Zurich, trouva des auxiliaires dans les prosélytes qu’elle fit en diverses parties de la Suisse. De son sein étaient sorties plusieurs communautés constituées à son image, régies chacune par un pasteur que le troupeau élisait généralement lai-même. Ace pasteur appartenait le soin d’exhorter les fidèles ou, pour les désigner par le nom qu’ils se donnaient entre eux, les frères ; il commentait la parole divine, il priait au nom de tous, et dans la cène, le seul rite qu’eût gardé la nouvelle église, et qui était pour elle la commémoration de la mort du Sauveur et le symbole de l’alliance entre l’homme et Dieu, il brisait le pain pour le distribuer aux assistans. Les sectaires regardaient comme essentielle cette manière d’administrer la communion, désignée par eux pour ce motif sous le nom de brotbrechen (brisement du pain) ; elle les distinguait surtout des autres réformés. Schaffouse, Grünipgen, Saint-Gall, eurent leur communauté anabaptiste, où l’on rebaptisait les adultes, où l’on organisait la résistance contre l’orthodoxie zwinglienne. Brödli, expulsé de Zurich, s’était rendu dans la première de ces villes ; il y fut bientôt suivi par Grebel, qui avait dû pareillement s’exiler, et qui alla un peu plus tard se fixer dans la seigneurie de Grüningen, où il travailla de concert avec Blaurock à l’avancement de sa foi. Les frères poussèrent leur propagande jusqu’à Berne, même jusqu’à Bâle ; mais c’est à Saint-Gall que leurs efforts furent couronnés de plus de succès. Dès la fin de l’année 1523, un disciple de Grebel, le tisserand Hochrütiner, banni de Zurich pour avoir brisé des images, y avait apporté les germes de la doctrine anabaptiste. Il était venu à Saint-Gall prendre part à la dispute publique sur la question du baptême, où les deux partis, baptiste et anabaptiste, se trouvaient en présence. Doué d’une éloquence naturelle, il avait si bien tenu tête à ses adversaires, que plusieurs des assistans s’étaient convertis à son opinion. L’un d’eux ne tarda pas à devenir le chef des anabaptistes de Saint-Gall. Il s’appelait Wolfgang Schorant, mais fut plus connu sous le nom d’Ulimann. Fils du syndic d’une des corporations d’artisans de la ville, il avait été d’abord moine à Coire, puis avait embrassé les idées de Zwingli. Passé dans le camp des anabaptistes, il reçut de Grebel le second baptême. De retour dans sa patrie, il gagna par sa parole nombre d’adhérens à la secte. Prêchant en plein air, tantôt au milieu d’une prairie, tantôt au pied d’une montagne, il voyait se presser autour de lui toute la population environnante. On accourait pour l’entendre jusque de