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développer qu’au détriment des voies ferrées. Améliorer ou compléter les voies navigables concurrentes, c’était alors risquer un double emploi, nécessairement onéreux pour la fortune publique. Pendant les années suivantes au contraire, il y eut dans l’industrie des transports un accroissement d’activité si rapide qu’un certain nombre de voies ferrées devinrent, malgré leur puissance de traction, incapables de répondre à elles seules aux demandes du public. C’est alors que la concurrence de la batellerie, sur les canaux voisins de ces lignes insuffisantes, apparut comme un véritable bienfait ; l’amélioration de ces canaux devint une œuvre féconde en résultats économiques. Considérons par exemple la partie de notre réseau navigable qui s’étend sur les départemens desservis par la compagnie des chemins de fer du Nord. Ces canaux et rivières, dont l’ensemble communique par Chauny avec le reste de la France, présentent un développement d’environ 950 kilomètres. Ils desservent les ports de Saint-Valéry, Gravelines, Calais. et Dunkerque, les centres industriels et les houillères du Nord et du Pas-de-Calais, les importans bassins belges de Mons et de Charleroy ; de là des alimens considérables pour l’industrie des transports. Le chemin de fer prend à peu près le maximum de chargement possible ; l’excédant passe à la batellerie et produit un mouvement commercial de 480 millions de tonnes kilométriques. Sur ces voies navigables, le droit de navigation prélevé par l’état produit 1,100,000 francs par an : c’est à peu près ce que coûtent l’entretien et les réparations ordinaires ; il y a donc équilibre entre la recette et la dépense. Les travaux d’amélioration exécutés dans ces dernières années, et les réductions successives du droit de navigation ont eu pour conséquence heureuse un notable abaissement du prix des transports. La tonne de houille de Mons, qui payait en 1855 un fret de 10 fr. 70 cent, pour aller à Paris, ne payait que 6 fr. 40 cent, en 1869. Comme il s’agit d’un parcours de 350 kilomètres, ce dernier prix correspond au faible chiffre de 0 fr. 018 par tonne kilométrique, et pourtant les péniches de Mons, qui font ces transports, ont à supporter les inconvéniens du retour à vide. Par le chemin de fer, la tonne de houille paie 9 fr. 20 cent, de Mons à Paris. On voit que l’industrie batelière rend, dans cette partie de la France, de véritables services, parce que la concurrence des canaux et des voies ferrées n’y est pas accompagnée d’un double emploi.

Les résultats sont tout autres pour les canaux de Bretagne, qui communiquent par Nantes avec le reste du réseau et s’étendent, concurremment avec les voies ferrées des compagnies d’Orléans et de l’Ouest, sur les départemens de la Loire-Inférieure, d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, des Côtes-du-Nord et du Finistère. Les centres industriels n’abondent pas dans ces contrées, où l’on ne trouve d’ailleurs aucun bassin houiller ; aussi les chemins de fer n’y récoltent-ils qu’un faible trafic ; quant à la batellerie, elle y végète sur un mouvement commercial d’à peine 20