Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/861

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner au baby que dans un discours politique ou une discussion sur l’art vétérinaire, et, autant qu’il a pu s’en rendre compte, il n’y a rien qu’une vraie femme préfère à la gloire de régner sur le cœur d’un homme ; or pour cela il faut absolument qu’elle en sache moins long que l’homme, ou qu’elle réussisse à le lui faire accroire. Le troc de l’amour contre la science est un gain douteux pour ces dames, une perte positive pour nous autres pauvres diables, et Josh Billings maintient que neuf femmes sur dix préféreront être regardées d’en haut avec tendresse que d’en bas avec étonnement. Quant aux savantes, n’en disons pas de mal ; toutefois il est évident qu’elles marchent mieux attelées seules. »

Les jeunes filles à la fois extravagantes et calculatrices, nombreuses dans son pays, ne sont pas faites non plus pour ces mariages d’amour « où l’on court quelques risques peut-être, mais si honnêtement que Dieu ne peut s’empêcher d’en sourire. » Josh Billings les exclut sans hésiter de son paradis ; lui aussi a l’humeur satirique, toujours tempérée du reste par une sorte de bonhomie nonchalante qui lui est particulière. Il raille finement les aspirations politiques de ses compatriotes qui les conduisent à devenir gouverneurs de provinces à force de bassesses, de ruses, de dépenses au cabaret les jours d’élections, tandis que la nature dans sa bonté les avait destinés à quelque métier plus décent, tel que celui de charpentier ou de mécanicien ; il raille le pédantisme des chrétiens de différentes sectes qui s’entre-déchirent sur des questions dont ils ne savent pas le premier mot, — les exagérations des sociétés de tempérance, — et les meetings féminins où des réformatrices en gros bas de laine viennent tonner contre l’extravagance du luxe pour se réconforter l’âme ensuite avec du gin, — et les superstitions à la mode, entre autres la croyance aux esprits, si répandue en Amérique. « Pour moi, je crois, en fait d’esprits, à l’esprit de charité, à l’esprit de persévérance, à l’esprit de patriotisme ; je crois à l’esprit d’énergie (animal spirits) des chevaux de courses et des terriers de combats ; je crois aux esprits de la Jamaïque pris à petite dose contre le rhumatisme, — je crois à l’esprit équitable et droit des gens de bien, mais je le suppose rare, — je crois à l’esprit de vengeance, surtout à l’esprit d’oubli… Si nous devons à un homme, et que nous ne soyons pas en état de le payer, puisse-t-il oublier la dette ! »

Un mélange agréable de bon sens, de gaîté honnête, de raillerie juste et fine, relevé par la dose voulue de sel yankee, voilà tout le talent de Josh Billings, et ce talent n’est pas à dédaigner. Au-dessus de lui, au-dessus d’Artemus Ward, il faut placer cependant Hans Breitmann, ou, pour le nommer par son vrai nom, M. Charles