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se servent de feuilles de ravenala et d’un poinçon. Sonnerat, examinant ensuite l’agriculture, l’industrie et les habitudes des Malgaches, rapporte plusieurs particularités dont les précédens voyageurs n’avaient point parlé. Les habitans du nord ne cultivent guère que le riz ; en divers endroits, ils ne se donnent pas la peine de semer ; quelques épis sont épargnés sur les tiges, le grain tombe et germe. L’habileté des orfèvres et des forgerons de la grande île africaine avait été vantée ; on nous donne maintenant la description du soufflet de forge. C’est un instrument bien primitif et pourtant assez ingénieux : il se compose de deux troncs d’arbres creux liés ensemble, l’un et l’autre terminés par un tuyau de fer ; à l’intérieur de chaque cylindre, il y a un piston garni de raphia[1], tenant lieu d’étoupe ; on le devine tout de suite, la manœuvre est celle de l’appareil à injection le plus connu. On a pu se demander de quelle façon les femmes tissaient les étoffes ; nous apprenons qu’elles emploient un métier qui consiste en quatre morceaux de bois fichés en terre. En même temps une information révèle l’existence, au pays des Machicores, de l’art inventé par les grandes dames chinoises, l’éducation des vers à soie. A l’égard des maisons, des ustensiles, des usages ordinaires de la vie, des épreuves judiciaires, aucune remarque nouvelle n’est à noter après les renseignemens qu’on doit à Flacourt. Le menu des repas des habitans de Foulepointe paraîtra fort modeste : c’est du riz avec du poisson ou une poule cuite à l’eau ; le sel est inconnu, on le remplace par un peu d’eau de mer. Coquettes aussi sont les femmes de ce pays, découvre l’observateur de la nature ; elles font le ménage, mais l’occupation ne les empêche nullement de passer des journées entières à se parer pour plaire à leurs amans. Sonnerat ne s’est guère arrêté à contempler les beaux sites de Madagascar ; seule, la vallée d’Amboule est l’objet d’une admiration particulière.

Vers l’époque où de paisibles naturalistes se promenaient sur les rivages de la grande île africaine, le gouvernement français accueillait encore une proposition relative à la fondation d’une colonie. Un véritable aventurier, homme de fière résolution et de grand courage, le fameux comte Maurice de Benyouski, l’évadé du Kamtschatka, se croyait assuré d’un succès. Cent fois, l’histoire des prouesses légendaires de ce personnage étrange a été écrite ; nous n’aurions nul intérêt à en reproduire les détails. Arrivé à la baie d’Antongil au commencement de l’année 1774, Benyouski prit bientôt un incroyable ascendant sur la plupart des indigènes ; il repoussa les agressions d’une peuplade hostile, éleva des forts, et fit

  1. Les fibres d’un palmier.