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M. Bois qui à l’heure décisive a lié la gerbe en quelque sorte. Les représentans de la fraction évangélique se sont d’abord attachés à dissiper les fantômes évoqués par leurs adversaires. On leur avait reproché de vouloir trancher du concile, de chercher à poser par leur déclaration les colonnes d’Hercule de l’intelligence humaine. Rien n’est plus éloigné de leur intention. « Nous constatons la foi de l’église, nous ne la créons pas, dit M. le pasteur Dhombres. Il s’agit uniquement de formuler avec précision les conditions fondamentales de la société religieuse. » M. Bastie, le modérateur du synode, établit avec force que ces conditions, qui sont sa raison sociale, ne peuvent être que des croyances. « Eh quoi ! dit M. Guizot, vous ne pourriez fonder une société de libre échange sans réclamer l’adhésion au principe qu’elle veut propager, et vous voudriez conserver l’église à d’autres conditions ? Cela ne se peut pas, la raison elle-même proteste autant que la foi. » Que l’on ne s’imagine pas trouver un accord sérieux dans ce fond de sentimens, de souvenirs et d’aspirations auquel on voudrait réduire la tradition de la réforme. C’est ce qu’on peut imaginer de plus vague, de plus indécis. Sait-on où conduit cette manie de l’indéterminé que l’on décore du nom de liberté ? N’a-t-on pas vu un pasteur bien connu refuser à son consistoire, qui avait manifesté quelque inquiétude sur certaine théorie portée par lui en chaire, de s’expliquer, prétendant que, bien loin qu’on eût le droit de l’interroger sur ce qu’il pensait, il ne se reconnaissait même pas le droit de se le demander à lui-même ! Il est certain d’ailleurs que le parti radical nie absolument et carrément le surnaturel ; il vient de le déclarer au synode même avec une sincérité parfaite.

Parce que les évangéliques d’aujourd’hui ont remplacé les symboles de leurs pères par une profession de foi simple et populaire, il n’est pas juste de soutenir, comme le fait M. Colani, qu’ils n’ont pas le droit de réclamer leur héritage. Les formules théologiques varient et s’élargissent sans que la foi soit altérée en substance. on parle beaucoup de sentiment religieux. La foi au Christ rédempteur, crucifié et ressuscité, plonge par ses racines dans les profondeurs de l’âme chrétienne. « Nous laïques chrétiens, s’écria M. Pernessin en s’adressant aux novateurs, nous consentons à ce que vous lanciez un nouveau navire, pourvu que vous ne soyez pas nos pilotes et que nous ne soyons pas contraints d’être vos passagers. » Cette question du droit des laïques fut présentée d’une manière très pressante. — Si le pasteur de l’église réformée peut y enseigner ce qui lui plaît, le peuple chrétien est livré sans garantie à son enseignement. On invoque le schisme comme un épouvantail, et l’on oublie que, pour vouloir conserver à tout prix des élémens hétérogènes,