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On le voit, la discussion a suivi le cours le plus régulier ; elle a obéi à une sorte de dialectique irrésistible qui a écarté les échappatoires pour serrer de plus en plus le point essentiel, vital, du débat.

C’est le lundi 10 juin que la question de la compétence du synode a été abordée. M. le doyen Jalabert a engagé la lutte en proposant un ordre du jour qui réduisait le synode à n’être que l’organe autorisé des besoins, des vœux et des sentimens des divers partis de l’église, comme appelé à faire une œuvre d’union et de pacification. Le tiers-parti se montrait fidèle à sa mission, qui était d’amortir tous les chocs, d’adoucir tous les angles, de replâtrer toujours sans jamais rebâtir. La gauche entière vota l’ordre du jour de M. Jalabert. Elle joua le même rôle à Paris que les inopportunistes du concile ; elle voulait, elle aussi, écarter à tout prix la question de fond et l’ensevelir sous une question de forme. Elle était dans cette situation bizarre de ne sauver la liberté absolue de la négation qu’en sacrifiant l’indépendance de l’église, car elle ne pouvait diminuer la valeur et l’autorité de sa représentation qu’au profit de l’administration civile. Au reste cette attitude vis-à-vis de l’état n’était pas nouvelle. Le parti radical est condamné à être très gouvernemental dans les affaires ecclésiastiques jusqu’au jour de la séparation des deux pouvoirs, que d’ailleurs il demande depuis deux ans. L’état est bien plus commode qu’un synode, il ne s’occupe que de l’ordre extérieur. Les églises locales peuvent à leur aise croire ce qui leur plaît tant qu’elles ne dépendent que du ministère des cultes. Il en est autrement dès que l’église a une représentation et qu’elle se gouverne elle-même. En outre le seul moyen d’éviter le schisme quand le lien moral et religieux n’existe plus, c’est de conserver le lien officiel. La gauche était donc dans la logique de sa situation comme dans la tradition de sa politique religieuse en s’efforçant de transformer ce parlement de la réforme française en une sorte de conseil d’état bénévole.

MM. Jalabert, Larnac, avocat à la cour de cassation, Penchinat, avocat à la cour de Nîmes, et Clamageran, de Paris, furent les principaux orateurs du parti qui voulait amoindrir le synode. De quel droit, disaient-ils, élever un simple décret à la hauteur d’une loi ? Le régime d’une église concordataire ne saurait être modifié à si bon marché. Or il est certain que la loi de germinal a passé sous silence le synode général ; le décret du 26 mars 1852 n’en fait pas davantage mention. Les églises n’ont pas été régulièrement consultées. Elles ne sauraient d’ailleurs voir dans le synode actuel leur vraie représentation, car les circonscriptions électorales ont été établies sur une base défectueuse, si bien qu’on peut évaluer à 160,000 le nombre des protestans qui n’ont pas de délégués. Un synode ainsi