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que cette polémique a provoqués, sans parler des innombrables articles de journaux. Il s’y est dépensé une somme considérable de talent, de savoir et aussi de passion. Les deux tendances opposées se disputaient l’influence dans les facultés de théologie de Strasbourg et de Montauban. Dans la première de ces facultés, qui par sa position intermédiaire entre la France et l’Allemagne attirait un grand nombre d’étudians, l’enseignement scientifique était porté à un haut degré de distinction par M. le professeur Reuss. Il a enrichi la littérature théologique française et allemande d’ouvrages de premier ordre, surtout en ce qui concerne l’étude critique des livres sacrés. A Montauban, M. Michel Nicolas se faisait l’habile interprète de la science germanique, dont il reproduisait les résultats les plus hardis avec la clarté de la méthode française. La publication de la Vie de Jésus par M. Renan ne fit qu’accroître l’ardeur des luttes intestines, en jetant en quelque sorte dans le courant le plus vif de la publicité contemporaine ces questions de critique, qui n’avaient pas jusqu’alors franchi le seuil de l’école, L’église réformée n’était pas seule en proie à ces profonds dissentimens. L’église de la confession d’Augsbourg, si puissante en Alsace, en était également travaillée. Sa constitution particulière en amortissait l’effet ; soumise à un directoire qui accordait l’influence prépondérante aux délégués du pouvoir civil, elle conservait l’ordre extérieur et l’apparence de l’unité, lors même que les esprits étaient profondément divisés. Un de ses pasteurs souleva pourtant à Strasbourg un vif scandale en qualifiant d’idolâtrie le dogme de la divinité de Jésus-Christ. L’église de la confession d’Augsbourg était aussi paisible à Paris qu’elle était agitée en Alsace. La fraction évangélique y dominait seule, et elle s’était concentrée sur les œuvres de la charité chrétienne avec une ardeur de zèle qui étendait tous les jours le cercle de son activité bienfaisante. Elle avait possédé l’un des hommes les plus richement doués du protestantisme français, M. le pasteur Verni, qui a laissé les meilleurs souvenirs dans la société littéraire et politique de Paris par son étincelante conversation, en même temps qu’il a honoré la chaire chrétienne par sa forte éloquence. On se rappelle sa mort foudroyante à Strasbourg au moment où il inaugurait une assemblée générale de son église par un discours qu’il ne put achever. L’église de la confession d’Augsbourg, hélas ! bien réduite par la perte de l’Alsace, puisqu’elle n’a plus que la consistoriale de Paris et celle de Montbéliard, vient de tenir, elle aussi, son synode dans une salle du ministère des cultes. Elle a évité tous les débats orageux, se contentant de rassembler les épaves de son naufrage et de se donner une constitution provisoire, sans attaquer les grands problèmes de doctrine.

Comme nous retrouverons au synode tous les principaux