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des animaux du pays et les oiseaux domestiques importés d’Europe.

Après le désastre du fort Dauphin, négriers, forbans ou pirates de diverses nations sont les seuls qui fréquentent la Grande-Terre. Malgré tout, Louis XIV n’oublie nullement ses droits ; par un édit du 4 juin 1686, il prononce la réunion définitive à son domaine de l’île de Madagascar pour en disposer en toute propriété. Cependant les années s’écoulent sans qu’on songe à la moindre entreprise. Au temps de la régence, on se contente de reconnaître à la compagnie des Indes le privilège exclusif du commerce avec ce pays.

En 1702, un vaisseau anglais échoue à la côte sud-ouest dans un endroit qui n’est pas déterminé. Les naufragés avaient l’espoir de gagner par terre la baie de Saint-Augustin, assez fréquemment visitée par des navires ; mais, bientôt entourés d’indigènes accourus en foule, le rêve s’évanouit. Le chef malgache se montrait jaloux de retenir près de lui des hommes blancs, parce que d’autres souverains de l’île jouissaient de cette bonne fortune. Ne pouvant opposer de résistance sérieuse, les Anglais se laissèrent conduire ; au bout de trois jours de marche, ils étaient logés et passablement traités dans le village du seigneur, qui voulait se donner le luxe de régner sur des Européens. Les captifs ne songeaient néanmoins qu’à reconquérir la liberté ; un complot est tramé, et une belle nuit ils se sauvent, emportant le roi et son fils. Poursuivis par les Malgaches, ils commettent la faute de lâcher les otages ; presque aussitôt tous étaient massacrés. Deux très jeunes gens épargnés tombèrent au pouvoir de certains chefs : l’un mourut vite, paraît-il ; l’autre, Robert Drury, racheté après quinze ans de servitude, retourna en Angleterre. Le récit de ses aventures, qui a été publié, produisit une vive sensation chez nos voisins d’outre-Manche[1]. La véracité du narrateur a été affirmée ; pourtant, à quelques égards, le doute est légitime. Drury prétend qu’il était esclave. Un Européen réduit en esclavage ! c’est impossible, disent ceux qui connaissent les Malgaches ; on tue l’Européen peut-être, on ne le place jamais dans une condition infime. Prenant peu d’intérêt à des aventures personnelles, nous cherchons partout les faits qui éclairent sur la nature du pays, sur le caractère et les mœurs des habitans. Drury a vécu parmi des peuplades éloignées des points occupés par les Français, dans une région où il n’existe que des noirs : au premier abord, on espère être initié à beaucoup de choses nouvelles ; mais le jeune homme, fort ignorant, nous laisse dans l’incertitude au sujet des contrées qu’il a parcourues ; seul, M. Grandidier pourra trouver le chemin.

Le prétendu esclave nous entretient en particulier de son genre

  1. The pleasant and surprising adventures of Robert Drury during his fifteen years’ captivity on the island of Madagascar, 1re édition 1729 ; 2e 1743 ; 3e 1808 ; 4° 1831.