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l’insurrection girondine en 1793, puis celle de Lyon et de Toulon, que nous confondrons en une seule, afin de simplifier ; viennent maintenant par ordre de date : au 9 thermidor, insurrection de la commune contre la convention, au 2 prairial insurrection jacobine, au 12 vendémiaire insurrection royaliste. Ici, interruption pendant l’empire et la restauration. Arrivés au gouvernement de juillet, nous avons l’insurrection d’avril, celle de Lyon, celle de juin et celle de mai, et les deux insurrections militaires de Strasbourg et de Boulogne ; après 48, nous avons eu le 15 mai, les journées de juin et le 13 juin 49 ; enfin, sous la république actuelle, le 31 octobre, le 10 janvier, et la plus épouvantable de toutes, le 18 mars. C’est donc en somme de quinze à vingt prises d’armes qui n’ont pas réussi : ajoutez-les aux précédentes, vous avez trente insurrections, coups d’état, guerres civiles, etc., ce qui, distribué sur quatre-vingt-dix années, donne pour résultat en moyenne trois ans de repos sous l’autorité des lois. N’oublions pas que chaque coup de force, heureux ou malheureux, a pour contre-coup la prédominance de la force sur la loi et par conséquent une tendance de plus en plus grande à faire de la force la loi.

Ce n’est pas tout ; à côté des coups de force qui ont réussi ou qui, s’ils ont échoué, ont été cependant mis à exécution, il faut compter encore ceux qui ont été médités et qui ont été arrêtés avant l’exécution, à savoir les complots. Ici le nombre est incalculable ; en nous en tenant aux faits les plus connus, rappelons la conspiration de Babœuf et celle du camp de Grenelle sous le directoire, la conspiration de Malet sous l’empire (je réserve les régicides), — sous la restauration la conspiration de Didier, celle des quatre sergens de La Rochelle, je ne sais combien d’autres encore qu’il serait fastidieux de rappeler.

Enfin, pour ne rien omettre, il y a les crimes commis par ou contre les gouvernemens : massacres de septembre, mort de Louis XVI, massacres de la terreur, massacres royalistes du midi après thermidor, mort du duc d’Enghien, massacres de 1816, journée du 4 décembre 51, massacres de la commune en 1871, — puis, en sens inverse, attentats contre les souverains : machine infernale sous le consulat, Louvel sous la restauration, Alibaud, Fieschi et bien d’autres sous Louis-Philippe, Orsini sous le second empire. Je ne cite que les faits les plus connus. Ajoutez tous ces crimes à la série des violences heureuses ou malheureuses qui ont fondé et renversé ou essayé de renverser les gouvernemens, et vous serez convaincu que la France depuis quatre-vingts ans est livrée au dieu de la force, qu’elle semble avoir été abandonnée à la domination du farouche Siva, ce dieu de mort qu’adorent les Indiens, et que la