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soumet au roi le plan d’une nouvelle entreprise ; la compagnie des Indes orientales est fondée ; elle aura les droits qui avaient été accordés à l’ancienne Société de l’Orient, et le privilège du commerce pendant cinquante années. Le capital de la compagnie devait être de 15 millions de livres. Louis XIV en prenait le cinquième à sa charge ; le monde de la cour souscrivait pour 2 millions, les villes du royaume, les cours souveraines s’engageaient pour des sommes importantes. C’était un véritable enthousiasme. Un édit du 1er juillet 1665 confirme la cession et prescrit d’appeler désormais Madagascar l’île Dauphine. Le chef-lieu désigné est le fort élevé par les Français ; le nom de France orientale, qu’on propose pour la grande île africaine, paraît sublime.

On a la bonne intention de faire régner la justice ; deux magistrats, l’un, M. de Beausse, comme président et dépositaire des sceaux du roi, sont choisis pour faire observer les lois. Des règlemens menacent de punitions sévères ceux qui prendront de force des femmes ou des filles, qui emporteront des objets appartenant aux originaires du pays, qui s’attrouperont pour aller en guerre contre les naturels ou qui feront le trafic des esclaves. La compagnie, de son côté, formule de belles recommandations au sujet des soins hygiéniques, des rapports entre les supérieurs et les administrés, des assurances qui doivent être portées aux naturels par toutes les voies imaginables : que les Français viennent de la part du plus grand roi du monde et garderont la parole et la bonne foi. C’était beaucoup compter sur l’absence de mémoire des indigènes. Ces dispositions arrêtées, toutes les fortes têtes politiques et administratives demeurent dans l’enchantement ; — avoir des hommes habiles et instruits pour la conduite des affaires, de bons cultivateurs, de bons ouvriers, sont des détails dont il paraît inutile de s’embarrasser. Le fameux Champmargou reste commandant militaire sous les ordres d’un marquis de Mondevergue, gouverneur et lieutenant-général du roi pour l’île Dauphine et l’île Bourbon. Dans la matinée du 11 juillet 1665, le canon des navires et du fort Dauphin se faisait entendre ; une cérémonie annonçait la prise de possession de l’île de Madagascar au nom du roi et pour le compte de la compagnie des Indes orientales[1]. Le second établissement des Français périclita un peu plus vite que le premier ; rien ne manqua en fait de désordres et de dilapidations. En 1670, la compagnie abandonnait ses droits sur l’île Dauphine.

La Grande-Terre est déclarée appartenir au domaine de la couronne ; l’amiral de La Haye, avec une flottille, vient représenter

  1. Sonchu de Rennefort, Relation du premier voyage de la compagnie des Indes orientales en l’île de Madagascar ou Dauphine ; Paris 1668.