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être « citoyen académique, » c’est-à-dire avoir été inscrit sur la matricule de l’université ; Mlle S.., s’adressa donc au recteur, afin d’obtenir l’accomplissement de cette formalité indispensable. Le recteur hésita un peu ; toutefois, le cas n’étant pas prévu par le règlement de l’école, il crut pouvoir prendre sur lui d’interpréter ce règlement dans le sens favorable et d’immatriculer Mlle S… C’est ainsi que fut créé un précédent, et qu’un droit formel se trouva établi, comme en tant d’autres cas, par la sanction définitive d’une chose reconnue juste et raisonnable à la suite d’une expérience prolongée. Mlle S… fut alors admise à passer ses examens et dûment promue docteur en médecine de la faculté de Zurich.

Dans les années suivantes, l’affluence des élèves féminins ne fut pas d’abord aussi considérable qu’on l’aurait pu croire. Vers la fin de 1867, on voit paraître deux Anglaises, en 1868 une Suissesse et une Américaine : en 1870, l’Allemagne et l’Autriche se risquent à leur tour ; mais le contingent principal est toujours fourni par la Russie. En 1869, neuf jeunes Russes étaient inscrites à la faculté de médecine ; à la fin de 1871, elles étaient dix-sept. En ce moment même, le nombre des étudiantes de l’université de Zurich s’élève à 63, dont 51 suivent les cours de la faculté de médecine (44 Russes, 1 Anglaise, 3 Suissesses, 3 Allemandes) et 12 les cours de la faculté de philosophie (10 Russes, 1 Autrichienne, 1 Allemande). Ce qui explique cette prépondérance de l’élément slave, c’est que depuis longtemps en Russie l’enseignement supérieur est accessible aux femmes. Des gymnases de femmes ont été ouverts dans tous les chefs-lieux de gouvernement, et les universités russes, sans admettre les femmes sur le même pied que les hommes, leur destinent des cours publics spéciaux dont la durée est de deux ans. Ces facilités ont sans doute beaucoup contribué à inspirer aux femmes russes le goût des fortes études. En ajoutant 17 élèves qui ont quitté l’université depuis 1867 sans avoir terminé leurs études, et 6 qui ont été créées docteurs en médecine, on arrive à un total de 86 femmes inscrites ; sur les registres de l’école dans l’espace de huit ans. Le nombre des élèves de l’université suisse s’est d’ailleurs notablement accru depuis 1864 : il était alors de 232, il est aujourd’hui de 354. La faculté de médecine compte aujourd’hui 208 élèves ; on voit que le contingent féminin en forme à peu près le quart. Les six docteurs de la faculté de Zurich ont embrassé avec succès la carrière médicale. L’une de ces dames est la femme d’un médecin de Saint-Pétersbourg, une autre s’est établie comme praticienne dans la même ville et a déjà une clientèle assez considérable. Une troisième, Mlle M…, est aujourd’hui premier médecin de l’hôpital de femmes que dirige à Londres M1"8 Garret-Anderson, docteur des facultés de Londres et de Paris. A Birmingham, il se fonde aussi à cette heure un hôpital de femmes dont la direction sera confiée à une autre graduée de Zurich. Le cinquième de ces jeunes docteurs est une Américaine qui