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ment son devoir ; mais ce devoir même lui commandait de ne pas transiger. Autant l’incorporation dans la troupe actuelle de deux virtuoses de cette valeur mériterait d’être approuvée, autant il faudrait condamner tout moyen terme. Nous avons désormais assez expérimenté ce fâcheux régime des étoiles, pour être autorisés à n’en plus vouloir à aucun prix. Un théâtre comme l’Opéra ne saurait admettre chez lui que des artistes capables de sentir l’honneur qu’on leur fait en les appelant, et de sacrifier à cet honneur certaines prétentions excessives. Que ceux qui seraient habitués à ne considérer que les gros appointemens restent chez eux, et que l’étranger leur paie en monnaie l’or la renommée que la France leur a procurée ; toute médiocre qu’elle soit, mieux vaudrait encore se contenter de la troupe actuelle que de courir recruter à la folle enchère des talens impropres à s’assimiler ; mais alors qu’on sorte enfin du provisoire et qu’on agisse.

Assez de ce zèle stérile et de ces bonnes intentions dont les planches du théâtre sont jonchées ! Ce Roi de Thulé, qu’on le joue et qu’on n’en parle plus ! Et après le Roi de Thulé, dont la mise en scène n’est en somme que le règlement d’un vieil arriéré de compte, quelles sont les perspectives qu’on se propose d’ouvrir à la curiosité bien légitime, du public ? Si vous consentez à jeter un coup d’œil sur la liste des ouvrages qui n’attendent qu’un tour de rôle, vous la trouverez très fournie. Il y a d’abord le Polyeucte de M. Gounod et la Jeanne d’Arc de M. Mermet, puis viennent le Sigurd de M. Reyer, l’auteur applaudi de la Statue, l’Esclave de M. Membrée, l’auteur de François Villon, et le Mahomet de M. de Vaucorbeil. Eh bien ! à croire le bruit qui se colporte, aucune de ces partitions n’aurait la chance d’arriver seconde, et l’œuvre de prédilection désignée in petto serait… À ce point du discours, la plume s’arrête, et l’on songe malgré soi à la fameuse lettre de Mme de Sévigné ; mais au moment de tomber dans la redite d’une citation décidément trop fatiguée, on se résigne à nommer simplement la Psyché de M. Thomas.

Psyché ! qu’est cela ? Un vieux souvenir de Longus ? C’est trop dire ; une réminiscence d’opéra comique, une façon de pastorale jouée sans succès autrefois à Favart, et qui, dans sa plus fraîche nouveauté, apparut aux générations de l’époque comme le rococo de l’avenir. Ce bruit d’une prochaine reprise de Psyché à l’Opéra n’a d’abord trouvé que des incrédules ; nous persistions à ne voir là qu’un ballon d’essai lancé dans la cour du Conservatoire par des écoliers en belle humeur ; mais depuis quelques jours la nouvelle se corse, la joyeuseté prend couleur de sérieux. On nous parle de remaniement, de récitatifs entrepris déjà ; on nous annonce qu’on y verra M. Faure déguisé en Mercure agiter son caducée d’or et se trémousser avec des ailes d’oiseau à ses brodequins, Et Psyché ? Ne devine-t-on pas qui se chargera de faire revivre à nos yeux l’adorable fille du roi de Mithylène ? Est-il des exigences qui puissent paraître dures, des lois auxquelles on hésite à se soumettre,