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elle aura pris franchement ce caractère positif qui est celui de notre époque. La question est trop grave pour être abordée en passant. Sans prétendre la traiter en quelques mots, rappelons que les Allemands viennent de nous prouver avec trop d’évidence qu’ils sont des esprits très positifs et d’excellens calculateurs ; ils n’ont pas cru pourtant qu’il leur fût indispensable pour acquérir ces mérites de renoncer à l’étude du grec et du latin. Ils s’y livrent au contraire avec plus d’ardeur et de succès que jamais. Si cette étude, qui fleurit chez eux, est devenu chez nous si languissante et si stérile, ce n’est donc pas que le grec et le latin soient contraires à l’esprit du temps, c’est que nous n’avons pas une bonne manière de les enseigner.

M. Bréal n’est pas le premier du reste qui nous révèle que nos méthodes sont imparfaites. Ceux même qui, étant à la tête de l’enseignement public, semblent avoir la mission de le défendre l’ont plus d’une fois reconnu, et les essais qu’ils ont faits pour les rendre meilleures prouvent bien qu’ils ne les croient pas irréprochables. Malheureusement ces essais ont été toujours timides, souvent maladroits. La plupart de ces réformes, si pompeusement annoncées, ne sont pas sorties des circulaires officielles. Quelques-unes seulement ont été mises en pratique, et il s’est trouvé par une sorte de fatalité que c’étaient d’ordinaire les moins heureuses, celles qui ne faisaient qu’enfoncer davantage notre enseignement dans les vieilles ornières. C’est ainsi, par exemple, qu’on s’est décidé à multiplier les compositions écrites dans les épreuves du baccalauréat. Cette innovation a été accueillie avec de grands applaudissemens ; mais elle a été loin de produire les heureux résultats qu’on attendait. Tant que les perspectives du baccalauréat sont lointaines, les élèves ne travaillent pas avec plus d’ardeur qu’autrefois. Quand l’examen approche, les plus effrayés, les moins sûrs d’eux-mêmes. s’empressent de se livrer à quelque préparateur qui s’est donné le rôle difficile d’enseigner en quelques mois aux jeunes gens l’art de paraître savoir ce qu’ils ignorent. Quand l’élève n’est pas trop rebelle, ils arrivent, à force d’exercices, à lui faire construire quelques phrases à peu près correctes, ou le sujet est entrevu de loin, et qu’avec un peu de bonne volonté on peut prendre pour du latin. C’est le triomphe de leur métier, et l’on semble vraiment n’avoir augmenté le nombre des compositions écrites que pour fournir aux préparateurs une occasion de montrer leur habileté. Il est probable pourtant qu’on avait d’autres desseins ; mais on n’a pas, pris la bonne route pour réussir, et le mauvais succès de cette mesure dpnt on se promettait tant de succès prouve bien, que c’est tout à fait en sens inverse qu’il fallait marcher.

Les réformes que propose M. Bréal sont très différentes ; il en résume l’esprit dans quelques lignes pleines de sens. « L’honnête homme, comme l’entendait le XVIIe siècle, sachant diriger son esprit, d’une manière