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germa, et vingt ou trente ans plus tard on voyait un bel arbre. Notre historien lui-même s’est assuré que des noix de coco, provenant sans doute de quelque île lointaine, arrivaient parfois à la côte lorsque régnait un grand vent de nord-nord-est. Outre les végétaux, ayant des racines alimentaires et les arbres donnant des fruits savoureux, on peut presque partout récolter du miel en abondance, celui des abeilles et celui de deux espèces de fourmis ; Personne n’a profité jusqu’ici du renseignement pour étudier les habitudes de ces singulières fourmis qui produisent du miel. En présence de cette riche nature, Flacourt s’écrie : « Tout ce pays est très fécond,… l’île est fournie de tout ce qui est nécessaire à la vie, de sorte qu’elle se peut facilement passer de tous les autres pays. » Comme si cette terre avait reçu toutes les faveurs, elle n’a pas d’animaux dangereux, et elle en possède beaucoup qui sont infiniment remarquables. Des crocodiles, il est vrai, habitent les rivières ; mais, retirés dans les endroits solitaires ; ils ne sont nullement à craindre.

Flacourt a tracé l’histoire des événemens qui se sont passés à Madagascar entre les Français et les gens du pays depuis 1642 jusqu’en 1645. Là, tout est sombre, rien n’est instructif. Entre les étrangers et les indigènes, les hostilités sont à peu près incessantes. Il n’est jamais question de travail pour les colons ; sous un prétexte quelconque, les Français vont en expédition et ramènent du butin, déployant parfois un courage et une audace extrêmes. Les Malgaches se vengent ; ils attaquent, surprennent, égorgent les envahisseurs quand ils sont isolés. Des représailles paraissent nécessaires, on frappe souvent au hasard coupables ou innocens. Vaincus, les habitans font des soumissions, sollicitent la paix, jurent une éternelle amitié, et trahissent les vainqueurs. Telle est la malheureuse histoire. On s’en souvient, les colons, très réduits par la mort, pensaient être oubliés : aussi l’émotion fut bien vive lorsqu’au mois de juillet 1654 on apporta au fort Dauphin la nouvelle que deux navires étaient arrivés. En effet le privilège de la Société de l’Orient était expiré ; le duc de La Meilleraye, ayant obtenu la concession, avait expédié des vaisseaux portant un petit nombre de passagers. Flacourt était invité à poursuivre l’œuvre commencée ; mais, chagrin de manquer d’informations au sujet de la compagnie qu’il représentait, il préféra retourner en France, laissant le commandement à Pronis, revenu sur l’un des navires du duc de La Meilleraye. Rêvant un brillant avenir pour l’établissement qu’il avait essayé de fonder, Flacourt entreprit d’instruire ses contemporains relativement à l’île de Madagascar ; nous savons comment il s’est acquitté de cette tâche. Il ne terminera point sans indiquer les fautes commises, sans donner les avis les plus sages, sans prescrire les