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mouvement et même une apparente sensibilité, crurent avoir trouvé le secret de la vie ; ils assimilèrent à la force animatrice cette autre force qui semble réchauffer les organes déjà glacés et en rétablir le ressort brisé. Il n’est pas besoin de méditer longtemps sur l’ensemble des faits exposés dans les pages précédentes pour comprendre combien l’illusion était grande. Non-seulement l’électricité n’est pas la vie tout entière, mais il n’est même pas permis de la considérer comme un des élémens de la vie, par exemple de l’assimiler à la force nerveuse. Les expériences de M. Helmholtz, qui ont été décrites ici même[1], ont démontré en effet jusqu’à l’évidence qu’une telle assimilation est contraire à la réalité. Ce qui caractérise les forces de la vie et l’unité vitale, qui est l’expression déterminée de leur fonctionnement simultané dans un même organisme, c’est précisément l’organisation. Or l’électricité n’a aucun rapport causal avec l’organisation même. Celle-ci est l’ouvrage d’une activité supérieure. Elle s’approprie toutes les énergies de la nature, mais elle les enchaîne, les coordonne et les place dans des conditions spéciales pour les faire servir aux desseins de la vie. Gravitation, chaleur, lumière, électricité, toutes ces énergies se conservent au sein des êtres vivans ; seulement elles s’y dissimulent sous une nouvelle unité phénoménale, de même que l’oxygène, l’hydrogène, le carbone, l’azote et le phosphore, qui constituent une cellule nerveuse, y disparaissent dans une nouvelle unité substantielle sans cesser d’y exister comme élémens chimiques distincts. Les puissances de la nature inorganique sont aussi nécessaires à la vie que les lignes et les couleurs le sont au peintre pour faire un tableau. Que serait le tableau sans l’industrie et sans l’âme du peintre ? Le tableau est son œuvre à lui ; les forces physico-chimiques sont les lignes et les couleurs de cette composition homogène et harmonieuse qui est la vie. Elles n’y auraient aucune signification, aucune efficacité, si elles n’y subissaient, par l’opération d’un mystérieux artiste, une métamorphose qui, les élevant à une dignité qu’elles n’avaient point auparavant, leur donne place au suprême concert. C’est ainsi que dans l’infinie solidarité des choses, il y a, comme le pensait Leibniz, Un mouvement continu de l’inférieur vers le supérieur, un acheminement constant vers le bien, une incessante aspiration vers une existence plus complète et plus consciente, un perfectionnement éternel.


FERNAND PAPILLON.

  1. Voyez la Revue du 1er août 1867.