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union durable sans avoir connu très intimement le garçon qui se propose pour mari. Dans cette société malgache cependant, tout sentiment de dignité n’est pas éteint : si les intrigues sont permises, elles doivent demeurer secrètes ; il est malséant de les laisser apercevoir, plus encore d’en parler. Les nobles font une cérémonie pour le mariage ; les esclaves ne marquent l’événement par aucun signe. Un des plus graves reproches qu’on adresse aux habitans de Madagascar, c’est l’abandon ou le massacre des nouveau-nés. Les jours réputés malheureux par les ombiasses sont en très grand nombre, et sans pitié. L’enfant qui arrive au monde sous la mauvaise étoile est jeté dans les broussailles ou égorgé ; seuls, quelques parens ayant au cœur un peu d’humanité les envoient au loin pour les faire élever. Outre les jours néfastes, d’autres causes déterminent la perte des nouveau-nés ; la mère a-t-elle beaucoup souffert pour sa délivrance, ou juge que l’enfant témoigne de faucheuses dispositions de caractère, — il est sacrifié. La pauvre esclave abandonnée de son maître ne prend pas la peine de nourrir le fils. La fille noble qui s’est livrée à un noir serait trahie par la couleur de la peau et la frisure des cheveux de l’enfant ; elle le fait disparaître, si par aventure, prise d’un sentiment de tendresse maternelle, elle ne le confie à quelque négresse. Ces coutumes, assure Flacourt, sont pratiquées dans l’île entière, — on sait combien les voyageurs en général en ont souvent parlé.

Entre eux, les Malgaches sont hospitaliers ; un moment, ils l’avaient été envers les étrangers. Heureux d’ignorer la valeur du temps, ils n’ont jamais de motifs pour être pressés ; paresseux, ne cultivant que pour les besoins de la famille, ils n’amassent point, et les provisions abondent rarement. Néanmoins, quand la maison est pourvue d’une manière suffisante, ils donnent volontiers à manger à ceux qui sont misérables.

Aucun genre d’observation n’a été négligé par Flacourt. Le chef de notre ancienne colonie cite les plantes et les animaux, qu’on rencontre à Madagascar ; les noms employés sont ceux des indigènes ; l’intérêt consiste dans l’indication des ressources du pays. Au XVIIe siècle, les sciences naturelles étaient peu avancées, et Flacourt n’était pas un savant. Il énumère confusément les végétaux importés par les Européens et les végétaux indigènes ; ces derniers sont la plupart désignés d’une manière assez vague. Au sujet du cocotier, maintenant très répandu sur la côte orientale de la grande île africaine, il rapporte un fait curieux que divers voyageurs modernes ont présenté avec assurance, comme s’ils avaient recueilli une information nouvelle. Au temps du séjour des Français au fort Dauphin, les gens du pays disaient : Autrefois le cocotier n’était pas connu ; une noix par la mer fut jetée sur la grève, elle