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Les végétaux développent aussi de l’électricité. Pouillet a constaté nettement que la végétation dégage de l’électricité. D’autres physiciens, et surtout M. Becquerel, ont démontré l’existence de courans dans les fruits, les tiges, les racines et les feuilles des plantes. M. Becquerel prit une tige de jeune peuplier en pleine sève, introduisit un fil de platine dans la moelle et un second fil dans l’écorce, et fit aboutir ces deux conducteurs à un galvanoscope ; l’aiguille indiqua aussitôt le passage d’un courant. M. Buff a exécuté plus récemment des expériences dans lesquelles il a eu soin de ne pas blesser les organes. Deux vases contenant du mercure recevaient des fils de platine ; sur le mercure était de l’eau où plongeaient les végétaux dont il s’agissait d’étudier l’état électrique. En prenant des feuilles et des racines, M. Buff constata un courant qui allait des racines aux feuilles à travers la plante ; dans une branche séparée de la tige, le courant marchait aussi vers les feuilles. En définitive, l’existence d’une électricité vitale est incontestable, bien qu’on ne connaisse pas encore exactement les conditions de cette effervescence intestine, et qu’on en ignore les vrais rapports avec l’ensemble des opérations physico-chimiques de l’organisme vivant.

Ces dernières sont en tout cas extrêmement complexes. Il y a en chaque être organisé, il y a en nous un monde infini d’activités de toute sorte. Les forces qui nous pénètrent sont aussi multiples que les matériaux dont nous sommes pétris. En chaque point de notre corps et à chaque instant de notre existence, toutes les énergies de la nature se rencontrent et se conjoignent. Néanmoins il règne dans la suite de ces opérations merveilleuses un tel ordre, qu’au lieu d’une confusion inextricable c’est une harmonieuse synergie qui caractérise les êtres doués de vie. Tout en eux se balance et se pondère, se commande et se répond. C’est ce que Buffon avait déjà senti et exprimé. « L’animal, dit-il, réunit toutes les puissances de la nature ; son individu est un centre où tout se rapporte, un point où l’univers entier se réfléchit, un monde en raccourci[1]. » Paroles profondes, qui étaient pour le grand naturaliste plutôt le fruit d’une, intuition de génie que celui d’une spéculation rigoureuse, — paroles que le progrès de la science tend à vérifier de plus en plus, et dont la lumière éclaire sa route.

Après avoir constaté que les corps vivans sont eux-mêmes des sources de fluide électrique, il convient d’examiner la nature des effets que l’électricité, sous des formes diverses peut exercer sur l’organisme animal. L’atmosphère contient une quantité variable d’électricité positive ; la terre elle-même est toujours chargée

  1. Éd. Lacépède, t. IV, p. 417.