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contraction sous l’influence du courant nerveux. Une autre expérience aussi simple prouve l’existence du courant musculaire. Sur un animal vivant ou récemment tué, on découvre un muscle, ou l’incise perpendiculairement à la direction des fibres charnues, et l’on fait communiquer avec les deux fils d’un galvanoscope très sensible à la fois la surface naturelle du muscle et la surface obtenue par l’incision. L’aiguille de l’instrument accuse alors le passage d’un courant. Cette électricité musculaire peut être obtenue en assez grande quantité par la superposition, en forme de pile, d’un certain nombre de tronçons de muscles. Le pôle positif du système sera la surface naturelle de l’un des tronçons terminaux, et le pôle négatif la surface de section de l’autre. Un tel système agit sur les appareils galvanoscopiques, et peut même exciter des contractions dans d’autres muscles.

Indépendamment de ces courans électriques, nerveux et musculaire, il existe dans l’économie animale d’autres sources de fluide. Il se produit des courans entre la face externe et la face interne de la peau, dans le sang, dans les appareils sécréteurs, en un mot dans presque tout l’organisme. Les expériences aussi originales que délicates auxquelles M. Becquerel emploie depuis plusieurs années toute l’activité de sa verte vieillesse lui permettent d’affirmer dès aujourd’hui la prépondérance des phénomènes électro-capillaires dans la vie animale. D’après le savant physicien, deux dissolutions de nature différente, conductrices de l’électricité, séparées par une membrane ou par un espace capillaire, constituent un circuit électro-chimique, et, si l’on considère les élémens anatomiques des divers tissus, cellules, tubes, globules, etc., dans leurs rapports avec les liqueurs qui les baignent, on trouve qu’ils donnent naissance à une infinité de couples qui dégagent incessamment de l’électricité. Le sang artériel et le sang veineux forment un couple dont la force électro-motrice est égale à 0,57, celle d’un couple à acide nitrique étant 100. M. Becquerel fait intervenir ces courans dans l’explication de beaucoup de phénomènes physiologiques encore mal interprétés. Si la réalité même de telles actions est indéniable, il faut reconnaître cependant que la doctrine générale qui les relie les unes aux autres et toutes ensemble aux diverses activités de l’organisme manque encore de netteté. Il importe de savoir comment ces courans se distribuent et se répandent, quels trajets ils suivent. Le moment est venu pour la physiologie expérimentale d’aborder ces difficiles problèmes, dont la solution est indispensable à la connaissance précise du déterminisme vital, c’est-à-dire au dénombrement et à la mesure des facteurs divers qui sont les termes de toutes les équations du mouvement organique.