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la capitale des Ovas, les uns pleurent le héros, orgueil de sa nation, le souverain qui les a comblés de faveurs ; les autres, mus soit par l’ambition, soit par la haine ou d’un maître cruel ou de la civilisation européenne, se réjouissent. Parmi les peuples vaincus et soumis renaît l’espoir de l’indépendance ; chez les étrangers, les sentimens les plus opposés se rencontrent : — ici, c’est la crainte de perdre l’influence acquise, là une sorte de joie à la pensée de saisir l’occasion de la revanche. A Tananarive, la succession est disputée : la reine-mère, plusieurs généraux, soutiennent les prétentions du jeune Rakotobe, neveu de Radama ; le peuple et l’armée se prononcent pour Ranavalona, l’une des femmes du conquérant. Ce parti l’emporte ; Ranavalona, reconnue souveraine, fait mettre à mort le jeune prince, le père, la reine-mère, — moyen d’en finir vite avec les compétitions. Dans le conseil de Bourbon s’agite le projet d’une attaque contre les Ovas au moment même des dissensions ; mais on reconnaît la nécessité d’attendre des renforts. Dès le premier mois de l’année 1829, une expédition se prépare en France, le capitaine de vaisseau Gourbeyre reçoit le commandement d’une flottille et de quelques centaines d’hommes de troupes ; de l’avis du conseil de Bourbon, il doit se présenter sur la côte de Madagascar d’une façon amicale, ne rien tenter avant d’avoir une réponse à la notification qui sera faite à la reine de l’intention du roi de France de faire occuper Tintingue, d’exiger la reconnaissance de nos droits sur le fort Dauphin et sur toute la partie de côte orientale comprise entre lvondrou et la baie d’Antongil, enfin de lier des relations de commerce et d’amitié avec les peuples de Madagascar. Une députation envoyée près de Ranavalona portera ces réclamations en même temps que des robes et des cachemires dignes d’une souveraine civilisée, sans compter divers présens pour les principaux officiers. Le 9 juillet, M. Gourbeyre arrive sur la rade de Tamatave ; le lendemain, entouré d’un état-major, il descend sur la Grande-Terre et visite le chef de la province, annonçant une mission de paix et des cadeaux pour la reine. Les dispositions n’étaient pas favorables aux étrangers. Pendant sa visite, le chef de l’expédition française, remarquant de la part des Ovas de grands préparatifs de défense, renonce à envoyer des officiers à Tananarive ; il se borne à transmettre par écrit les réclamations, fixant à vingt jours le délai pour avoir la réponse. Afin d’utiliser cette période de trois semaines, il porte sa division à Tintingue, fait élever sur ce point des fortifications et placer des canons en batterie. Des officiers ovas ayant apporté une lettre de leur général en chef qui désirait être informé des motifs de notre prise de possession de Tintingue, M. Gourbeyre se contenta de rappeler les droits de la France et d’insister sur la réparation des griefs qu’on reprochait au