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au général malgache le service demandé. Croyant le moment propice, il écrivit à Radama ; c’était la proposition « de désigner, de part et d’autre une personne de confiance pour arriver à la conclusion d’un traité d’alliance et d’amitié. » Dans la réponse, où se laissait apercevoir l’inspiration des agens britanniques, le roi des Ovas, affirmant avec hauteur ses prétentions à la souveraineté exclusive de Madagascar, se déclarait disposé à recevoir dans Tananarive la députation qui serait envoyée pour la négociation projetée ; le gouverneur de Bourbon jugea inutile de s’en occuper davantage.

Au commencement de l’année 1826 mourut Jean René, le chef de Tamatave et de la principauté des Bétanimènes. Son neveu, successeur désigné, le jeune Berora, étant au collège à Paris, Radama investit Coroller, un de ses grands officiers du gouvernement de la province sous l’autorité supérieure d’un autre général, d’un dévoûment bien éprouvé. Plus que jamais, les Français se virent exposés à tous les genres de vexation de la part des Ovas : ils reçurent l’injonction de ne point se présenter ailleurs qu’à Foulepointe ou à Fénérive pour acheter des denrées. Radama montrait une extrême intelligence ; quand il s’agissait de comprendre certains avantages de la civilisation européenne ; il avait établi la douane, mis des droits excessifs à l’entrée et à la sortie des marchandises, et, toujours gracieux envers ses bons amis, il avait donné la ferme des impôts à une maison de l’île Maurice. Le comte de Cheffontaines, qui remplaçait M. de Freycinet en qualité de gouverneur de l’île Bourbon, informa le ministre de la marine d’une situation qui était insupportable pour nos compatriotes et humiliante pour la France, disant avec sagesse : Il faut tout abandonner ou se mettre en mesure de se faire respecter. A Paris, les hommes d’état demeuraient beaucoup plus calmes, gênés par la pauvreté des ressources financières, mal instruits des événemens qui se produisaient dans la grande île africaine, ils comptaient sur l’efficacité de petits moyens. Après avoir envoyé au Sénégal prendre deux cents Yolofs, on abandonnait à M. de Cheffontaines le soin d’apprécier si, avec cette force unie à un petit groupe d’indigènes et quelques soldats tirés des garnisons de Bourbon et de Sainte-Marie, on pourrait chasser de la côte orientale l’armée des Ovas. Le gouverneur et le conseil privé de Bourbon pensèrent que folle serait la tentative ; ils se bornèrent à indiquer le nombre et la nature des forces qui seraient indispensables, pour une entreprise sérieuse.

Le 27 juillet 1828 commence à se propager de Tananarive vers tous les points de la côte cette nouvelle inattendue : Radama est mort[1]. On s’imagine l’effet prodigieux d’une telle annonce. Dans

  1. Il n’avait que trente-six ans.