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cap de Bonne-Espérance et de Maurice pour s’enquérir des projets de notre gouvernement ; M. Sylvain Roux avait répondu qu’il agissait en vertu des ordres du roi de France. Obéissant à une suggestion dont l’origine est demeurée incertaine, des chefs du peuple betsimisarake, qui occupe le littoral de la Grande-Terre, vinrent, au mois de mars 1822, assurer le commandant de Sainte-Marie d’une entière soumission. Soudain une proclamation lancée par Radama fut répandue sur toute la côte orientale pour déclarer nulle toute cession de territoire qui n’aurait pas été ratifiée par le roi des Ovas. Un corps de 3,000 hommes appuyait cette prétention ; bientôt il s’emparait de Foulepointe. Plusieurs officiers britanniques étaient dans les rangs de l’armée envahissante ; la présence de M. Hastie indiquait clairement la source des résolutions de Radama. Plaintes, récriminations de la part de l’agent français établi à Sainte-Marie restèrent inutiles ; la force manquait pour appuyer les paroles. M. de Freycinet, gouverneur de l’île Bourbon, put envoyer seulement quelques navires, afin de protéger le pauvre établissement ; frappé de l’incapacité de M. Sylvain Roux, il demanda le rappel de ce fonctionnaire. Celui-ci était mort lorsque la décision du ministre parvint à Bourbon. Un instant sans chef, la petite colonie mit à la tête des affaires un habitant de Sainte-Marie justement considéré, M. Adolphe Albrand, ancien professeur au collège de l’île Bourbon ; elle donna le commandement de la troupe à un jeune officier d’artillerie en congé, M. Carayon. M. Blévec, capitaine du génie, vint remplacer M. Sylvain Roux ; bientôt averti que Radama ne tarderait pas à se présenter sur la côte avec des forces considérables, il fut réduit à se mettre en état de défense à Sainte-Marie. En effet, au mois de juillet 1823, les troupes ovas arrivaient jusque sur la Pointe-à-Larrée, incendiaient Tintingue et Fondaraze, désolaient la contrée par un pillage général. M. Blévec protesta contre le titre de roi de Madagascar que Radama s’attribuait, contre toute occupation des points de la côte orientale dépendant de l’autorité du roi de France. La protestation, portée au roi des Ovas par un officier ayant pour interprète Jean René, ne changea nullement la situation, La réponse ne se fit pas attendre : l’île Sainte-Marie seule était reconnue propriété de la France ; à l’égard de la Grande-Terre, on laissait aux étrangers la faculté de s’y établir en se soumettant aux lois du royaume. Après le départ du souverain malgache, la tranquillité permit de continuer les travaux de défense militaire, de s’occuper de culture sur la petite île ; une colonie de 60 à 30 Français, qui s’était attaché une centaine d’indigènes, ne pouvait en) vérité se promettre de grandes entreprises[1].

  1. On trouve les correspondances des autorités de Bourbon et de Madagascar dans le Précis sur les établissemens français formés à Madagascar, imprimé par l’ordre de l’amiral Duperre, ministre de la marine et des colonies, Paris 1836.