Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/612

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après la conclusion du traité, le missionnaire, Jones, bien logé dans une maison neuve, ouvrit une école dans la capitale de Madagascar ; bientôt rejoint par sa femme et par un confrère amenant aussi sa femme et un enfant, il y eut un petit groupe d’instituteurs et d’institutrices qui voyait déjà en rêve la jeunesse malgache brillante et policée comme la fleur de la nation anglaise. La compagnie ne tarda pas à s’accroître et à étendre son influence ; chaque jour augmenta le nombre des élèves. Les membres de la mission s’appliquèrent à l’étude de l’idiome du pays ; la manière d’écrire les mots, jusqu’alors transmis seulement par la parole, fut déterminée. Avec l’approbation du roi, l’on convint d’adopter les consonnes de la langue anglaise et les voyelles françaises. Radama désirait que partout chaque lettre fût exprimée par le même son ; à cette époque, il chargea son secrétaire, M. Robin, d’instruire les officiers de l’armée et leurs femmes. Les écoles des missionnaires prirent assez rapidement une notable extension ; on voulut en ouvrir dans les principaux villages de la province d’Imerina. Tantôt les habitans semblaient charmés de voir l’instruction se répandre, tantôt la population s’irritait à l’idée que les enfans prendraient les manières et les usages des étrangers ; néanmoins, pendant plusieurs années, les instituteurs conservèrent l’espoir de faire des lettrés de bon nombre de Malgaches, particulièrement des Ovas, comme d’introduire dans le pays la plupart des arts manuels de l’Europe ; aux yeux des missionnaires, déjà s’offrait en perspective le règne de l’esprit de l’Angleterre sur le peuple de Madagascar.


II

En France, on était très peu renseigné à l’égard des progrès de l’influence anglaise sur la grande île africaine. Longtemps le défaut de ressources pécuniaires avait arrêté les entreprises. Une expédition, dirigée par M. Sylvain Roux, partit en 1821. Elle était à Sainte-Marie le 1er novembre ; bien accueillie des indigènes, elle obtint à prix d’argent la concession de trois villages. Malheureusement rien n’était préparé : les cases n’étaient pas habitables pour des Européens ; il fallut se contenter de mettre le matériel dans les villages et de s’établir sur l’îlot Madame, situé à l’entrée de la baie. Arriva la saison pluvieuse : les hommes tombèrent malades ; à la fin du mois de janvier 1822, un fort petit nombre de marins et d’ouvriers et parmi les officiers seul un enseigne de vaisseau avaient conservé la santé. Un mois après l’installation des Français s’était montré sur la rade de Sainte-Marie un bâtiment de la marine britannique : le commandant se présentait au nom des autorités du