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rencontre, amenant des bestiaux pour fournir des vivres pendant la route.

Le souverain des Ovas promettait bonne réception, et exprimait le regret de ne pouvoir, par suite d’un incendie du palais et de la résidence de la cour, installer ses hôtes comme il l’eût désiré. En approchant de la capitale, l’agent britannique eut le plaisir de voir souvent des messagers qui venaient le saluer en apportant des provisions et des lettres du roi. Dans une dernière lettre, Radama s’informait si l’envoyé européen voulait attendre qu’il eût assemblé tout son peuple pour le recevoir, ou s’il préférait le trouver simplement entouré de ses soldats ; l’officier anglais, considérant son piteux équipage, se déclara pour la simplicité. A peu de distance de Tananarive, le capitaine Le Sage et ses compagnons furent assurés d’un aimable accueil d’une façon si galante qu’on s’en étonnait de la part du roi d’un état barbare. Quatre groupes, composés chacun d’une vingtaine de personnes, apparurent portant des rafraîchissemens aux voyageurs ; tout ce monde appartenait aux familles les plus distinguées de la cour. Les femmes, vêtues d’un lamba d’un pourpre foncé, serré à la taille et retombant en plis gracieux qui faisaient ondoyer les franges, étaient parées de colliers, de chaînes d’argent, d’anneaux aux chevilles ; les hommes, ayant des parures semblables à celles des femmes, se distinguaient par une sorte de couronne d’argent sur la tête, un ceinturon muni d’une poche pour les amulettes et un mousquet élégamment façonné à la main. A quelques milles de la capitale se présentèrent une douzaine d’hommes tenant une petite chaise ; c’était le tacon destiné à l’agent britannique. Porté sur les épaules de vigoureux Malgaches et suivi des gardes du roi, le capitaine Le Sage franchit le reste du chemin d’une manière digne ; la foule se pressait pour le voir, le canon tonnait, une multitude de soldats avec le mousquet et la lance venaient l’entourer en dansant. Après ces témoignages d’allégresse, les coups de feu, nouveau signe de réjouissance, partirent de la ville et des montagnes environnantes. Les voyageurs, escortés de 7,000 à 8,000 soldats, avançaient lentement au milieu de la population entière répandue dans la ville et sur les collines voisines. Le cortège, parvenu dans Tananarive, s’arrête : le moment est solennel. Un ministre de Radama impose silence et annonce que le roi a donné le pays à son visiteur ; il demande au peuple s’il y consent, et le peuple répond oui. S’adressant à l’officier anglais, il lui déclare qu’il est le roi, qu’il jouit de l’autorité sur toute la contrée, que Radama règne seulement à Maurice. De telles formes de politesse devaient faire penser à l’Inde ou à la Perse. En arrivant à la résidence royale, l’agent britannique trouve le souverain sur une sorte