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Madagascar : jamais de froid, seulement pendant quatre mois, de neuf heures du matin à trois heures de l’après-midi, de fortes chaleurs toujours tempérées par la brise de la mer ; les huit autres mois de l’année, un printemps perpétuel. Telle est la séduisante description qu’on nous a tracée.


II

Renseignés à l’égard de l’étendue de pays que nos compatriotes avaient explorée sur la Grande-Terre dès le milieu du XVIIe siècle, il convient de noter ce que Flacourt observa chez les habitans, de voir comment il jugea les ressources de la contrée qu’il s’agissait de coloniser, de rappeler les vues qu’il essaya de faire prévaloir. On s’apercevra que les voyageurs modernes n’ont pas toujours eu le mérite d’apprendre des choses bien nouvelles. Par une longue résidence au fort Dauphin, Flacourt, mis en rapports continuels avec les Antanosses, à particulièrement étudié les mœurs, les coutumes, le caractère de ce peuple, composé d’élémens fort divers. Rien ne semble avoir beaucoup changé dans la province d’Anossi, que bornent les rivières Manatena et Mandreré. A l’époque de la première tentative de colonisation française, le pays, sous l’autorité d’un roi, est gouverné par les nobles, les Zafferamini, originaires des bords de la Mer-Rouge. Dans une situation inférieure se trouvent les hommes de sang mêlé ; puis viennent des gens dont la peau est rougeâtre et qui ont les cheveux longs comme ceux des nobles : les descendans, assure-t-on, des matelots qui accompagnèrent les Zafferamini envahisseurs de l’île de Madagascar. Ces derniers vivent surtout de la pêche, et ils ont la mission spéciale de garder les cimetières des grands. Les noirs se partagent aussi en plusieurs classes ; les premiers d’entre eux, maîtres du pays avant l’invasion arabe, sont encore des chefs de village ; de même que les nobles, ils ont le droit d’égorger les animaux, étrange privilège interdit aux autres castes. L’esclavage est la condition de la foule des nègres.

Les jouissances du luxe sont incomprises des Malgaches, chacun ne se préoccupe que du nécessaire. Les maisons, même celles des nobles, sont de modestes cases en bois : une seule chambre garnie d’un plancher suffit pour toute la famille ; une couche de sable est le foyer, trois pierres sont les supports du vase contenant les mets qu’on fait cuire. La fumée se répand dans la chambre, et notre historien remarque « qu’il n’y a pas de plaisir d’être dans les cases quand il y a du feu. » L’ameublement est d’une extrême simplicité. Des nattes faites de joncs, tantôt communes, tantôt artistement travaillées, étendues sur le plancher, servent de sièges, de lits et de tables. Des paniers renferment les vêtemens ou les marchandises ;