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garanties contre le parlement lui-même : c’est tantôt le droit de veto qui suspend les décisions législatives, tantôt le droit de dissolution qui permet au gouvernement d’en appeler au pays. Partout les assemblées ont des attributions régulièrement définies, un renouvellement périodique dont le terme est déterminé par la loi. Sans ces légitimes précautions, le gouvernement parlementaire pourrait devenir le plus dangereux des despotismes, celui d’une convention irresponsable se perpétuant malgré le pays dans l’exercice souverain de tous les pouvoirs.

Rien de pareil n’est à craindre de l’honnête assemblée qui siége à Versailles ; néanmoins entre le régime parlementaire et celui qu’elle représente, il n’y a rien de commun que le nom. C’est véritablement un singulier phénomène que de voir tant de savans docteurs dans la science politique se payer de mots avec une entière bonne foi, et réclamer avec assurance les prérogatives dont jouissent les assemblées dans les pays où le pouvoir exécutif et la nation elle-même ont contre eux des garanties inscrites dans la loi. « Nous voulons, disent-ils, un cabinet homogène, des ministres responsables choisis dans la majorité, qui soient les instrumens de notre politique et les agens de nos candidatures ; si nous ne sommes pas certains d’être la majorité du pays, nous sommes la majorité parlementaire, et nous avons droit au gouvernement. » On dirait, à les entendre, qu’il y a dans les mots une vertu mystérieuse, et qu’il suffit de s’appeler parlement pour avoir le droit de mépriser l’opinion publique. Cette façon de comprendre le gouvernement représentatif n’est pas tout à fait neuve, elle a eu des antécédens sous la monarchie de 1830 et surtout sous l’empire, qui en a fait au suffrage universel une application des plus grandioses ; mais elle ressemble au vrai gouvernement parlementaire comme le régime des plébiscites impériaux ressemble à la vraie démocratie. « Eh ! messieurs, — pourrait-on dire à ces faux dévots du parlementarisme, — vous connaissez très bien la lettre de votre loi, mais vous en avez oublié l’esprit. Si les choses sont telles que vous le dites, et si la majorité de l’assemblée n’est plus la majorité du pays, ce n’est pas au gouvernement que vous avez droit, c’est à la dissolution. En attendant qu’elle soit possible et que vous vous y résigniez vous-mêmes, trouvez bon que le gouvernement use des seules ressources que vous lui avez données. La toute-puissance de l’assemblée n’a d’autre frein, dans ses écarts, que l’influence et l’autorité personnelle du chef de l’état. Il est nécessaire qu’il en use, et, s’il n’en fait pas toujours un bon usage, il dépend de vous d’y mettre ordre en prenant le pays pour arbitre. »

Même sous le régime parlementaire, là véritable souveraineté appartient à la nation. L’empire lui-même le reconnaissait, au