Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 100.djvu/573

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inflexible, habitués de tout temps à penser qu’en dehors de leur église il n’y a point de salut, il est naturel qu’ils repoussent toute forme de gouvernement électif ; mais il y a dans le parti monarchique des hommes moins absolus, qui ne veulent de la monarchie elle-même que si elle s’incline devant les principes de la révolution française, et qui ont toujours professé une certaine indifférence philosophique entre les diverses formes de gouvernement. Voilà ceux qu’on s’afflige de trouver au premier rang des ennemis de la république, parmi les adversaires les plus passionnés d’un gouvernement dont le seul tort est de ne pas la trahir. Pendant longtemps, on a pu croire que cette hostilité était apparente, et qu’il n’y avait entre eux et le gouvernement qu’une espèce de dépit amoureux ; mais aujourd’hui la guerre est ouvertement déclarée, et il ne reste plus aucun doute sur les intentions de personne. D’un côté le gouvernement, soutenu par tous les hommes raisonnables qui veulent effacer les anciennes divisions et rallier toutes les opinions modérées sous le drapeau de la république ; de l’autre les imprudens et les ambitieux, qui, sous prétexte de rassurer les intérêts conservateurs, ne craignent pas d’exposer le pays à tous les dangers d’une révolution nouvelle. Si cette lutte se prolonge et s’envenime, il faudra bien, un jour ou l’autre, prendre le pays pour juge. En attendant que ce jour vienne, et sans vouloir en hâter la venue, il faut tâcher de voir clair dans la situation de la France, et de prendre un parti sur son avenir.


I

L’empire, ce régime corrupteur qu’une presse éhontée essaie de glorifier encore, et qui, en vingt ans de prospérité et de pouvoir absolu, n’a su accomplir que la ruine et la dissolution morale de la France, avait eu un seul avantage : c’était de réunir tous les libéraux, sans acception d’origine, par l’horreur commune qu’il leur inspirait, et de cimenter, sous le nom d’union libérale, un parti d’opposition qui pouvait devenir à l’occasion un parti de gouvernement. Si, au lendemain de la chute de l’empire, l’ancienne opposition libérale était restée unie, comme le lui commandaient les circonstances, sous un drapeau impartial qui ne pouvait être que celui de la république, sans doute la France n’eût pas triomphé dans la lutte inégale où l’avait jetée l’absurde politique de l’empire ; mais du moins elle se serait retrouvée unie au lendemain de ses désastres, et elle les aurait plus facilement réparés.

C’est ce qui serait peut-être arrivé, si le gouvernement de la défense nationale avait eu le courage de faire les élections au début de la guerre. À cette époque, les élections auraient donné une