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locomotives du chemin de fer de l’Est, ont démontré qu’il n’y a pas danger à s’en servir, — et de plus qu’un poids donné d’huile de pétrole produit le même effet calorifique qu’un poids double de houille. Ce nouveau combustible serait surtout avantageux aux paquebots transatlantiques, qui aujourd’hui s’encombrent au départ d’un immense approvisionnement de charbon de terre. Les sources d’huile minérale sont très abondantes aux États-Unis, dans l’Ohio, la Pensylvanie, le Canada. S’il était possible de chauffer une machine de bateau tour à tour avec l’un ou l’autre combustible, on irait d’Europe en Amérique à la houille, et l’on ferait le voyage de retour au pétrole ; mais, il faut en convenir, cette question est encore bien peu avancée. — La machine à vapeur n’est-elle pas déjà bien dangereuse par elle-même, dira-t-on, sans que l’on y ajoute, par l’emploi d’un liquide redoutable, une nouvelle cause d’explosion ? Prétendre que ce moteur énergique est absolument inoffensif serait trop dire assurément ; cependant il est bon de montrer qu’il inspire une crainte peu justifiée.

En Angleterre, où la tradition et l’usage ne permettent pas au gouvernement d’intervenir dans les affaires industrielles, les accidens de chaudières sont fréquens ; néanmoins les Anglais n’ont pas cru qu’il fût utile de placer ces appareils sous la surveillance de l’état, ils ont préféré se surveiller eux-mêmes. C’est ainsi que s’est formée à Manchester une association dont les délégués visitent périodiquement les usines de la localité. Ces inspecteurs signalent dans des rapports mensuels les améliorations dont le besoin est constaté. Les fabricans de la province de Liège ont essayé avec peu de succès d’en faire autant. A Mulhouse, la Société industrielle, dont on connaît les louables efforts, a voulu de même instituer des inspecteurs de manufactures. Que l’on ne se méprenne pas sur le but que poursuivent ces diverses associations : elles se proposent de constater que les machines sont bien construites et de bonne qualité ; mais elles ont surtout en vue de donner plus d’instruction aux ouvriers qui en ont la conduite. Il est rare en effet qu’une explosion ait d’autre cause que la maladresse ou l’imprudence du mécanicien. À ce point de vue, les règlemens français, si rigides pour les constructeurs, laissent beaucoup à désirer. Nous surveillons avec vigilance la fabrication, l’établissement et même l’entretien des appareils à vapeur ; nous ne nous occupons pas d’instruire les hommes auxquels elles sont confiées. M. Fairbairn le disait naguère avec l’autorité de sa science aux industriels de Manchester : « je ne suis pas partisan de l’intervention de la loi, soit dans la construction, soit dans l’usage des chaudières ; mais, en voyant les conséquences désastreuses qui résultent de l’abandon de ces