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pour une marche rapide, et se comportait à merveille en cas d’accident. Par exemple, dans les déraillemens, au lieu de se renverser sur le flanc, ce qui détermine le plus souvent une explosion, la locomotive Crampton reste debout et fournit hors des rails une course assez longue pour amortir la force vive dont le train est animé. Malheureusement elle n’utilise pour l’adhérence que 10 tonnes environ sur les 27 qu’elle pèse ; c’est insuffisant quand il s’agit de remorquer des trains lourdement chargés ou de franchir des rampes. La machine Crampton n’est plus admise en France que par les compagnies du Nord et de l’Est, dont les principales lignes n’offrent guère de fortes déclivités.

Quelque bénéfice qu’il y ait pour l’adhérence à augmenter le poids supporté par l’essieu moteur, il est une limite que l’on ne peut dépasser par la crainte d’écraser les rails. M. Jacqmin estime que la charge sur un seul essieu ne doit pas dépasser 12 tonnes. Alors on a imaginé de réunir deux essieux par le moyen d’une bielle. Quatre roues sur six reçoivent ainsi le mouvement, et les deux tiers au moins du poids total produisent l’adhérence. Ce système est ce qui distingue plus spécialement les machines mixtes, ainsi nommées parce qu’elles sont le plus souvent employées à conduire des trains où se trouvent des voitures à voyageurs et des wagons de marchandises. L’idée de réunir deux essieux paraît simple ; il y a toutefois un grave inconvénient qui provient de ce que les quatre roues couplées doivent avoir bien juste le même diamètre. Une roue dont le bandage est légèrement usé glisse et roule en même temps pour suivre le mouvement des autres, d’où résultent des chocs et parfois la rupture d’une bielle, accident d’une extrême gravité. Cependant les progrès de la fabrication et surtout la substitution de l’acier au fer tant pour les bandages que pour les bielles ont atténué ces inconvéniens. Les compagnies d’Orléans et de Paris à Lyon et à la Méditerranée attellent maintenant à leurs trains express les plus rapides des machines mixtes à quatre roues couplées qui pèsent 34 tonnes, dont 24 sur les deux essieux moteurs, et qui ont une surface de chauffe de 125 à 135 mètres carrés. Ces machines ont des roues motrices de 2 mètres de diamètre, ce qui permet de leur faire prendre une grande vitesse.

Quant à la machine à marchandises, dont la marche est toujours lente, la meilleure solution était facile à trouver ; il suffisait d’accoupler les trois essieux, afin de faire servir le poids total au profit de l’adhérence, qui est l’élément essentiel. C’est ce que l’on a fait dès le principe en conservant des roues basses pour cause de stabilité. Les plus lourdes pesaient d’abord de 30 à 32 tonnes, et avaient de 120 à 130 mètres de surface de chauffe. On s’en serait contenté longtemps, si l’industrie des chemins de fer n’avait subi une sorte