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remorqueurs, qui conduisent au besoin les voiliers jusqu’à Rouen. Marseille en a aussi plusieurs, qui vont prendre les navires en mer et les pilotent de l’ancien bassin dans les nouveaux ; mais c’est surtout aux ports situés en rivière, Bordeaux, Nantes, Bayonne, que le remorquage est utile, car les bâtimens d’un fort tirant d’eau n’y arrivent que par un chenal étroit, sans cesse modifié par les bancs de sable, et qu’il faut suivre exactement sous peine d’avaries.

Malgré les perfectionnemens de toutes les industries et le développement du commerce, la navigation sur les fleuves, les rivières et les canaux progresse très lentement. La raison en est assez évidente. L’immense progrès du réseau des chemins de fer absorbe de plus en plus le mouvement commercial intérieur. En 1864, pour en revenir aux tableaux statistiques de M. Jacqmin, les chemins de fer transportaient 31 millions de tonnes de marchandises et 78 millions de voyageurs, les bateaux à vapeur ne recevaient que 4 millions de tonnes et 5 millions de passagers ; encore ces chiffres s’appliquent-ils à la navigation maritime en même temps qu’à la navigation intérieure. Toutefois il serait injuste de ne pas signaler les très sérieuses améliorations introduites dans la circulation des voies navigables. A peine mentionnera-t-on en passant ces jolis bateaux-omnibus qui fonctionnaient depuis longtemps à Londres et à Lyon avant de se montrer sur la Seine. Les bateaux à vapeur fluviaux, en notre temps de merveilleuse vitesse, ne conviennent plus qu’au service restreint des villes et des banlieues. Ils sont toujours appropriés au contraire au transport des marchandises, pourvu qu’ils arrivent à la régularité de marche qui est une des exigences du commerce. Sous ce rapport, l’installation du touage sur chaîne noyée le long des voies navigables les plus fréquentées a été un progrès très sensible. On immerge au milieu du lit une chaîne en fer. Le bateau à vapeur, au lieu de battre l’eau avec des roues ou une hélice, ce qui cause des pertes de force vive et n’est pas sans inconvénient pour les rives, se haie sur cette chaîne, qu’il soulève à l’avant et laisse redescendre derrière lui. A la suite de ce bateau, qui fait office de remorqueur, est amarré un train de bateaux chargés de marchandises. Depuis quelques années, le touage sur chaîne fonctionne entre Paris et Montereau, entre Paris et Rouen, où la navigation est très active. On y a trouvé de grands avantages d’économie et de régularité, surtout à la remonte, qui est toujours lente sur les rivières à cause du courant. Sur le Rhône, entre Arles et Lyon, le remorquage à vapeur a de même donné des résultats avantageux ; mais il serait trop long de s’étendre davantage sur ce sujet.