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si difficile à franchir, les paquebots font maintenant deux voyages par jour, et jamais l’état de la mer ou de l’atmosphère ne retarde les départs. L’un des bateaux affectés à ce service, le Connaught, a fait en dix ans 2,585 traversées sans avoir jamais éprouvé d’accident.

Sur les navires à vapeur modernes, les dimensions sont telles que les manœuvres ne peuvent plus s’y faire à bras d’hommes ; c’est la machine qui y pourvoit ; elle vire les cabestans, actionne les pompes, amène et rentre les embarcations. Il ne faut pas croire cependant que l’art du marin se réduisent à tourner des leviers et des robinets, et que le mécanicien devienne la seul maître à bord, car il survient souvent à la mer des circonstances difficiles où le capitaine doit savoir gouverner son navire, comme s’il ne portait que des voiles ; mais enfin toutes les manœuvres de force s’exécutent d’habitude avec l’infatigable piston. Le Great Eastern est, il est vrai, un bâtiment exceptionnel. Voici ce qu’il contient de moteurs ; 4 machines pour les roues à aubes et autant pour l’hélice, avec 20 chaudières, 2 autres machines de 70 chevaux, et 10 de 10 chevaux chacune pour les divers travaux du bord et pour les pompes alimentaires. Avec tant de moyens d’action, ce navire gigantesque traversait l’Atlantique en conservant une vitesse moyenne de près de 14 nœuds, soit 26 kilomètres à l’heure. C’est à peu près aussi la vitesse qu’atteignent les paquebots des grandes compagnies qui font un service régulier entre l’Europe et l’Amérique. Il y a trente ans, on faisait un tiers de chemin en moins ; seulement la vitesse ne s’obtient que par une consommation excessive de combustible, et par conséquent elle n’est pas économique. En 1842, les bateaux de la compagnie Cunard embarquaient 600 tonnes de charbon pour franchir l’Atlantique ; maintenant il leur en faut 1,600 à 1,800, ce qui n’empêche pas que le prix du fret s’est abaissé de plus, en plus, en sorte que la marine à vapeur dont l’occupation exclusive semblait être jadis le transport des voyageurs et des marchandises de grande valeur, charge maintenant des matières encombrantes telles que les houilles et les minerais.

Les bateaux à vapeur desservent toutes les mers du globe ; on peut faire le tour du monde en cent vingt ou cent quarante jours par Suez, Singapoure, la, Chine, le Japon et San-Francisco, ou, si l’on aime mieux, par Suez, Pointe-de-Galles, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et, l’isthme de Panama. Les grandes compagnies françaises, anglaises et américaines se font concurrence sur les principales routes commerciales. En France, on doit citer surtout la Compagnie transatlantique, qui, avec 21 navires d’une énorme puissance (ils jaugent 80,000 tonneaux et leurs machines représentent