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tableau fidèle frémirent d’indignation[1], — le peintre ne s’était jamais écarté de la côte orientale de plus de quelques kilomètres. Avec des renseignemens, la plupart du temps fort inexacts, qu’on obtient des indigènes et un peu d’imagination, on passe aisément aux yeux des gens crédules pour un homme intrépide. Toute défiance est nécessaire et légitime à l’égard des voyageurs qui, sans avoir rapporté des observations précises ou des collections de plantes et d’animaux, — témoignages toujours irrécusables, — déclarent avoir visité des régions avant eux inconnues. Les auteurs qui ont composé l’histoire des événemens survenus dans l’île de Madagascar à l’aide des documens administratifs n’ont pas même songé à la nature et aux ressources de la contrée dont on a tant de fois rêvé l’exploitation. Les objets d’histoire naturelle, documens d’un prix inestimable parce que seuls ils font vraiment connaître le pays, n’ont pas encore été utilisés pour l’instruction de tout le monde. Recueillis en grand nombre et placés dans les musées, décrits ou mentionnés dans des mémoires spéciaux, ce sont jusqu’ici des sujets d’information emprisonnés dans un étroit domaine. Tout ainsi démontre combien il est indispensable, avant de signaler les résultats d’un voyage récent, de dire ce que chaque époque a fourni et de grouper en un faisceau les notions éparses que nous possédons sur la grande île africaine.


I

A l’entrée de l’Océan indien, du 11° degré 57’ au 25e degré 34’ de latitude australe, s’étend l’île de Madagascar. Séparée du continent africain par le canal de Mozambique, qui dans l’endroit le plus resserré a une largeur de près de 400 kilomètres, la Grande-Terre, comprise entre 41° 20’ et A8° 10’ de longitude orientale, offre une superficie plus considérable que celle de la France. De la pointe nord, le cap d’Ambre, à l’extrémité sud, le cap de Sainte-Marie, elle a une longueur d’environ 155 myriamètres ; très étroite dans la partie du nord, elle atteint vers la partie du centre une largeur qui surpasse le tiers de la longueur. Présentant une ligne presque droite du côté oriental, elle est au contraire fortement découpée du côté occidental. Beaucoup d’auteurs admettent que l’île est partagée en dix-neuf provinces ; selon les missionnaires anglais, on doit en compter vingt-deux. Il est facile de varier à cet égard ; les Malgaches ne paraissent pas avoir encore bien fixé les bornes des souverainetés. Sans trop s’inquiéter de la limite tracée par la rivière ou par la montagne, le chef ou roi d’une province agrandit

  1. Voyez Carayon, Histoire de l’établissement français de Madagascar, p. LXI et suiv. ; 1845.