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conduire jusqu’au bout, ce n’est pas le moment de se créer des émotions de fantaisie et d’agiter des questions d’influence ou de pouvoir, que dans une telle situation, plus on affaiblit le gouvernement chargé de représenter le pays, plus on risque de donner des prétextes à un négociateur impérieux, déjà trop disposé à profiter de toutes les circonstances. La France est toujours la France, dira-t-on ; c’est avec elle qu’on traite, ce n’est point avec un gouvernement qui n’est que le représentant passager de l’autorité nationale. C’est un moyen commode de se faire illusion : on crée des difficultés à une négociation par toute sorte de conflits intérieurs, et on se réserve le droit de critiquer le négociateur pour n’avoir pas fait mieux. Quoi qu’il en soit, le gouvernement a signé la convention, l’assemblée l’a ratifiée, et sur ce point du moins la diplomatie a dit son dernier mot.

En quoi consiste-t-il donc, ce traité, qui fixe les rapports de la France et de l’Allemagne jusqu’à la libération définitive de nos provinces occupées ? Il est ce qu’il peut être, et il n’est malheureusement rien de plus. L’évacuation progressive du territoire suit le paiement gradué des diverses fractions de l’indemnité. Ainsi, deux mois après la ratification du traité et le versement du premier demi-milliard une fois effectué, les Allemands quitteront deux départemens : la Marne et la Haute-Marne. Après le paiement du second milliard, ils quitteront les Ardennes et les Vosges. Les départemens de la Meuse, de Meurthe-et-Moselle et Belfort, resteront occupés jusqu’à la fin, et la dernière échéance est reportée du 2 mars 1874 au 2 mars 1875. En apparence, c’est une année de plus d’occupation ; seulement, dans cette série de combinaisons échelonnant les paiemens successifs du moment présent au 2 mars 1875, le gouvernement français garde le droit de se libérer par anticipation au moyen de versemens partiels de 100 millions, et, quand il n’aura plus que 1 milliard à payer, il pourra faire accepter des garanties financières en échange des garanties territoriales. Cette condition était déjà dans le traité de Francfort ; elle est maintenue plus que jamais dans le traité de Versailles, et, en nous permettant d’anticiper les paiemens, elle nous laisse l’espérance de hâter la libération de nos provinces. De toute façon, les départemens successivement évacués resteront neutralisés au point de vue militaire, la France ne pourra élever aucune fortification sur ces territoires, et les Allemands, de leur côté, n’auront point le droit de se fortifier dans les positions où ils resteront campés, à Belfort notamment. Ce qu’il y a de plus sensible, et ce qui à visiblement coûté le plus à nos négociateurs, c’est que l’armée allemande ne sera point diminuée ; elle restera jusqu’au bout composée de 50,000 hommes, de sorte que l’occupation, en se retirant, retombera de tout son poids sur les derniers fragmens de terre française retenus en dépôt. Que faire à cela ? L’Allemagne, dit M. le ministre des affaires étrangères, l’Allemagne s’est refusée à un arrangement qui aurait réduit son armée.