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paysans se trouvaient une foule de transfuges de l’armée de la ligue, qui, sachant qu’on ne leur ferait pas merci, poussaient à une résistance désespérée. Truchsess dut, pour vaincre ces derniers défenseurs de la rébellion, faire un vigoureux effort, surtout près de Kenipten, où deux anciens capitaines des troupes impériales, Walter Bach et Gaspar Schnaiter, commandaient les insurgés. Il fallut incendier les villages qui leur servaient de refuge pour les réduire à mettre bas les armes. La puissante artillerie de l’armée de la ligue eut partout raison de la bravoure obstinée des paysans, que Truchsess ne ménageait guère. Pour mieux inspirer l’épouvante, ce capitaine tolérait tous les excès de la soldatesque. Le conseil de la ligue de Souabe, alors réuni à Ulm, s’émut des actes de barbarie commis par son armée ; il le pria de ne point mettre le pays à feu et à sang ; mais le brutal Truchsess se souciait peu de telles injonctions. « Messieurs du conseil, dit-il pour toute réponse, veulent m’en remontrer en fait de guerre ; qu’ils viennent alors se battre ici, et j’irai dans leur lit prendre leur place. » Bientôt un renfort amené par George de Frundsberg permit aux troupes de la ligue d’en finir plus vite avec la révolte. Ce guerrier intrépide, qui avait été le héros de Pavie, et s’était fait un nom si glorieux sur tant de champs de bataille, prit le commandement en chef à la place de Truchsess, et sous sa direction la guerre épargna aux campagnards quelques-unes de ses horreurs. Il était toutefois difficile d’empêcher les seigneurs de se venger sur les révoltés abattus des tribulations et des misères que ceux-ci leur avaient causées. Quelques-uns se signalèrent par des traits d’une abominable cruauté. Le margrave Casimir de Brandebourg fit arracher les yeux et couper les doigts à des prisonniers. Les principaux meneurs de la révolte furent mis à la torture ; on punit aussi sans miséricorde les prédicans dont les sermons exaltés avaient déterminé en bien des lieux la rébellion, et plus d’un ministre évangélique qui s’était borné à prêcher les principes de Luther périt alors victime du ressentiment de quelque prélat ou de quelque ecclésiastique orthodoxe. Des tribunaux inquisitoriaux furent institués pour rechercher les coupables ; les échafauds se dressèrent. Carlstadt échappa, grâce à l’intervention magnanime de Luther. Götz de Berlichingen eh fut quitte pour un internement de deux années dans son château. D’autres seigneurs, tels que le comte de Wertheim, ne furent pas inquiétés pour la part qu’ils avaient prise a la révolte, soit qu’on jugeât qu’ils n’avaient fait que céder à l’intimidation, soit plutôt qu’on redoutât la puissance qu’ils gardaient dans leurs propres domaines. Au bout d’une année entière de répression et de recherches des gens compromis, une amnistie fut rendue le 23 septembre 1526, qui mit fin aux rigueurs et aux violences exercées par l’autorité.